Roberto Alagna

Roberto Alagna

2015 - OPERA LOVELY METROPOLITAN OPERA NEW YORK - 19 FEVRIER

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19 février 2015
Luiz Gazzola pour Opera Lively - Don José a été discuté à plusieurs reprises, mais il y a toujours des idées intéressantes à avoir, je parie. S'il vous plaît dites-nous comment vous voyez la psychologie de ce personnage, et en tant qu'acteur, vous essayez d'imprimer sur le rôle.
Roberto Alagna - Don José est un rôle qui fait partie de ma vie depuis de nombreuses années, et qui a grandi avec moi, parce que je suis particulièrement intéressé à intégrer ma propre expérience de vie dans les personnages que je joue. Ce qui est sûr, c'est que le Don José que j'ai joué il y a vingt ans n'est pas le même que celui que j'ai chanté hier soir. Au fil du temps, j'ai mûri, avec toutes les expériences et les tragédies de sa vie. De plus, à mon âge, à la suite de mon expérience de vie, je ne juge jamais le comportement des gens. Je pense toujours qu'il y a une raison pour laquelle quelqu'un se comporte d'une certaine manière. De même, j'ai toujours tendance à voir le côté positif des personnages que je joue, quels qu'ils soient.
 
Ce qui est intéressant chez Don José, c'est que cet opéra ne parle pas de Carmen mais de lui. Il est en fait le personnage principal; il est celui qui évolue tout au long de l'opéra. À l'origine, José vient d'un milieu religieux, où l'honneur compte beaucoup; et il est basque. Vous devez comprendre qu'il est entré dans sa situation difficile parce qu'il a tué quelqu'un. Il en ressort clairement qu'il a un tempérament plutôt fier et fougueux, et un sens de l'honneur. À cause de ce qu'il a fait, on lui a fait une offre: soit il est allé en prison, soit il pourrait s'enrôler comme soldat à Séville. Et si vous vous mettez dans l'état d'esprit de l'époque, pensez que pour un Basque, un homme du Nord, être envoyé à Séville, c'était comme être condamné en Sibérie ou être un criminel en exil. C'était une punition sérieuse, un bannissement. C'est aussi pourquoi, quand Micaela dit, "
 
Ce que j'aime de ce personnage c'est que contrairement à ce qu'on en fait souvent - un personnage tridimensionnel mais un peu crédule - en réalité ce n'est pas le cas. Lorsque nous lisons le roman de Mérimée, nous comprenons qu'il s'agit plutôt d'une sorte de bombe à retardement qui pourrait exploser à tout moment. Et fondamentalement, il est un homme très dangereux, à la fois à cause de ses croyances et de son tempérament. N'oublie pas qu'il est aussi un macho espagnol. Il est donc très difficile pour lui de dire «je t'aime» à Carmen - il n'a jamais dit «je t'aime» à sa mère ou à son père, ou même à n'importe qui. 
 
Dans le quatrième acte, quand il rencontre à nouveau Carmen, il dit: "laissez-moi vous sauver et me sauver avec vous." Personnellement je trouve ici un lien avec Athanaël de Thaïs. Il voit dans Carmen une sorte d'incarnation du mal, comme si elle était ensorcelée par le diable; c'est comme s'il voulait l'exorciser. Il vient à elle en disant "Viens, je viens te sauver, et je veux me sauver avec toi". Il se comporte comme un exorciste ou un prophète rédempteur qui tente de sauver une âme et de se sauver en même temps. Et à la fin, il le dit très bien: "Pour la dernière fois, démon, vas-tu me suivre?" Cet aspect du personnage m'intéresse Quand j'étais plus jeune je voyais en lui un côté plutôt macho, chaud sang, un peu naïf Aujourd'hui, je vois un personnage beaucoup plus profond 
 
OL - Même pour un rôle que vous connaissez aussi bien que Don José, cherchez-vous l'inspiration d'illustres prédécesseurs? Si oui, qui sont ceux que vous soutenez, et ce qui est votre recette pour un bon Don José?
 
RA - Oui bien sûr. En plus d'être une chanteuse, je suis une grande fan de l'opéra, du théâtre, de la littérature, etc., mais ma première passion est l'opéra. J'étais un grand collectionneur audio. De nos jours avec YouTube, vous avez à votre disposition une immense bibliothèque, une énorme discothèque, une immense vidéothèque. C'est un outil indispensable pour moi aujourd'hui, car je fais encore de la recherche. J'ai donc écouté tous les Josés historiques. Quand j'étais plus jeune, j'ai aimé le Don José de Franco Corelli, Del Monaco, Vickers; Aujourd'hui je préfère quelque chose de plus simple, c'est-à-dire, par exemple, ceux de Raoul Jobin, de José Luccioni ou même d'Alain Vanzo, car il y a en eux une plus grande simplicité dans la façon de dire les mots et dans le rythme. Je veux dire, il n'y a pas d'effet fort, et c'est ce que je cherche aujourd'hui dans mon chant. Pas seulement comme Don José, mais dans tout ce que je fais, et vous remarquerez que dans le dernier album que j'ai enregistré, je cherche la simplicité. Et je crois que la simplicité est la chose la plus difficile à trouver.
 
OL - Votre Carmen est la charmante Elīna Garanča. Elle est douée pour la voix, le jeu et l'apparence. S'il vous plaît nous parler de travailler avec elle. 
RA - C'est un grand plaisir de travailler avec un partenaire comme Elīna parce que nous sommes amis, et nous avons une grande admiration les uns pour les autres. Je dois dire que j'ai beaucoup de chance car j'ai toujours eu de très bonnes relations avec mes collègues, hommes et femmes. Aujourd'hui, chanter avec quelqu'un comme Elīna est vraiment agréable car elle est aussi une musicienne et quelqu'un qui aime partager et avoir de bonnes discussions. Par exemple, nous avons créé cette Carmen ensemble. Bien sûr, c'est la production de Richard Eyre, mais disons que 60% est aussi notre création. 
J'ai beaucoup de respect pour mes collègues parce que je pense que cette profession est l'une des plus difficiles de tous. C'est la seule forme d'art aujourd'hui qui nous fait travailler dans les mêmes conditions qu'il y a deux siècles. Nous n'avons pas les avantages de la technologie moderne. Pour le public, il y a des enregistrements, etc., mais quand nous sommes sur scène, nous chantons de la même manière que nous l'avons toujours fait. Sauf qu'en plus, nous avons du stress et des pressions que les chanteurs n'avaient pas dans le passé. Les instruments d'orchestre ont bénéficié de la technologie moderne et sont beaucoup plus efficaces, mais nos cordes vocales pauvres sont toujours les mêmes. C'est pourquoi j'ai beaucoup de respect pour les artistes qui partagent la scène avec moi, et mes partenaires le savent. Quand je chante un duo, j'aime que ce soit un vrai duo, pas un duel. 
 
OL - Nous avons été impressionnés par votre performance récente et triomphaleOtello dans les Chorégies à Orange. Quels sont les défis particuliers du chanteur dans un théâtre en plein air? Le vent, les allergènes dans l'air, la température, l'acoustique ...? D'autre part, il doit être assez spécial de chanter dans ce lieu chargé d'histoire, y compris l'histoire de l'opéra (par exemple avec l'emblématique Norma de Montserrat Caballé). Commentaires? 
RA - Orange est un endroit spécial, très difficile, mais absolument magique quand il n'y a pas de vent. Mais si le Mistral souffle ou si les conditions météorologiques sont mauvaises, cela peut devenir un véritable cauchemar. Commencer avec la scène est énorme, sur une centaine de mètres, donc à chaque entrée et sortie, c'est comme un marathon. Par exemple, pour Otellocette année, nous avons eu des conditions météorologiques difficiles. Il a plu presque tous les jours et nous avons été contraints de reporter la performance, de sorte que nous avons chanté Otello pendant quatre jours sur six. Ce que vous avez vu était la performance finale. 
J'étais malade, parce qu'il faisait très froid et que je n'étais qu'à moitié vêtu, j'ai attrapé un rhume. De plus, je me suis disloqué deux vertèbres. Il faudrait être surhumain pour chanter dans de telles conditions. En même temps, je dois dire que j'en suis très fier, car je chante aux Chorégies d'Orange depuis 1993 et ​​c'est quelque part comme un baromètre de ma forme actuelle. Orange a toujours lieu en fin de saison, donc vous avez déjà beaucoup chanté et vous devez tout donner dans ce théâtre massif, où vous vous battez contre les éléments. Mais ces pierres de deux mille ans ont beaucoup d'âme, et y retourner est une sorte de pèlerinage ou de rituel pour moi. Tu parlais de Norma avec Caballé et Vickers, ce qui est merveilleux. Saviez-vous que lorsqu'ils ont fait cette vidéo, tout était d'une piste d'accompagnement? Ils ne chantaient pas en direct.
 
OL - Oh! 
 
RA - Oui vraiment! Parce qu'il y avait tellement de vent! 
 
OL - Incroyable! 
 
RA - Pierre Jourdan a réalisé le film. Tout a été pré-enregistré. Ni Vickers ni Caballé ne chantent en direct dans cette performance. 
 
OL - C'est décevant, car pour moi cette "Casta Diva" est la meilleure version live, mais si c'est une version studio, c'est plus facile! 
 
RA - [rires] Oui. C'est une version studio! [rires] Mais les images sont belles, car il y a du vent, ça flotte et c'est superbe. C'est pourquoi je dis que ce que nous faisons depuis des années, chanter en live, est un défi majeur. 
 
OL - Oui, c'est vrai. Il a été confirmé que vous allez chanter Lohengrinau Festival de Bayreuth en 2018, avec Christian Thielemann en tête (Anna Netrebko toujours non confirmée mais pourrait être l'Elsa). C'est vraiment une étape majeure dans votre carrière - votre premier rôle dans le répertoire allemand, n'est-ce pas? 
 
RA - J'ai chanté des airs en allemand, mais jamais un opéra entier. Personnellement, j'ai toujours aimé Wagner particulièrement interprété par des ténors lyriques à voix claire comme Georges Thill ou François Gautier. Le but d'un artiste ne doit pas être de rester dans sa zone de confort, mais de toujours repousser les limites autant que possible. Je pense avoir une âme artistique en ce sens que je suis toujours curieuse de me surpasser et de trouver de nouvelles ressources en moi pour que je puisse donner au public une autre lecture, un autre aspect vocal, un autre côté d'une œuvre et mon art. 
 
OL - Comment vous préparez-vous pour de nouveaux rôles?
 
RA - Je travaillais avec un excellent coach vocal français, Simone Féjard. Aujourd'hui, j'étudie de nouveaux rôles par moi-même. 
 
OL - Envisagez-vous de jouer d'autres rôles dans le répertoire lirico-spinto allemand - Max dans Der Freischütz , Florestan de Beethoven, ou le Prince dans le Königskinder de Humperdinck , par exemple? 
 
RA - On m'a offert Tannhäuser dans une version française, et j'ai commencé à travailler dessus, c'est vraiment un travail de bel canto. Et quand vous écoutez Parsifal, c'est comme ça! En fait, il y a Italianitàdans toutes les œuvres de Wagner. [Rires] C'est partout. On m'a offert Florestan il y a un an ou deux. J'ai presque dit oui, mais le problème est que nous devions faire trois concerts d'affilée, tous les jours. Et j'ai dit non, parce que je ne peux pas chanter trois jours de suite. J'ai senti que ce n'était pas professionnel, alors j'ai refusé. J'ai toujours aimé Florestan. La première aria est belle, et la fin est particulièrement superbe. Il y a dix ans, on m'a proposé Max, dans une version française de Berlioz; c'était aussi intéressant. A vrai dire, toutes ces œuvres m'intéressent, mais je dois encore aborder tant d'œuvres qui sont plus proches de mon type vocal, il serait par exemple ridicule de chanter Freischütz et Fidelio , mais pas de chanter Fedora ou La Forza del Destino ,Luisa Miller et Manon Lescaut . Pour le moment j'essaye de faire tout ce qui est possible pour donner la priorité au chant de ces œuvres. J'aimerais aussi chanter La Fanciulla del West, Il Tabarro, Samson , Jean à Hérodiade . Vous voyez donc qu'il y a beaucoup de rôles que je n'ai pas encore abordés, et il serait stupide d'en faire d'autres qui ne cadrent pas si bien avec mon tempérament et mon type de voix, tout en ignorant les rôles que je considère comme mon droit d'aînesse. 
 
OL - OK. En décembre dernier a également vu la sortie du DVD de l'opéra de votre frère David , Le dernier jour d'un condamné, basé sur le roman de Victor Hugo s'opposant à la peine de mort. Vous avez non seulement chanté le rôle titre, mais aussi travaillé avec David et votre frère Frédérico sur le livret. Vous avez décrit le prisonnier condamné comme l'une des parties les plus difficiles que vous ayez jamais chantées. Que considérez-vous comme les plus grands défis de ce rôle? 
 
RA. Cet opéra est extraordinaire. Je ne dis pas ça parce qu'il a été composé par mon frère, mais parce que c'est vrai. Chaque fois que nous l'interprétions, face aux préjugés et aux idées préconçues de l'audience, cela se terminait invariablement par une ovation debout. L'autre jour, Michel Plasson m'a mentionné combien il aimerait diriger Le Dernier Jour d'un Condamnéencore. Je pense qu'il est aussi tombé amoureux de ce travail, comme tous ceux qui ont travaillé sur ce point, qu'ils soient chanteurs, réalisateurs, chefs d'orchestre, tout le monde. Pardonnez-moi si cela semble pompeux, mais c'est un chef-d'œuvre, dans la même veine que Cavalleria de Mascagni. Mascagni l'a composé en tant que jeune homme pour une compétition, et mon frère a une histoire similaire. Il l'a écrit parce que je lui ai demandé de le faire. Il était très jeune, seulement dix-huit ans quand il a commencé. C'est son premier opéra, et il est incroyablement mature pour une première composition. C'est comme s'il était touché par une inspiration divine, une grâce spéciale. Cet opéra est vraiment réussi, et je dirais même que c'est un travail très fort. Je suis très intéressée par l'opéra contemporain, j'écoute beaucoup. Je pense vraiment que c'est l'opéra moderne qui restera dans le répertoire à l'avenir. Je suis sur et certain. Tu sais pourquoi? Parce que la plupart des opéras qui sont en train d'être composés sont écrits par de grands compositeurs, de grands techniciens, de grands maîtres d'orchestre, de grands connaisseurs de musique classique, mais pas par des amateurs d'opéra. Et c'est la grande différence. En revanche, mon frère David est un vrai passionné d'opéra, qui a grandi à mes côtés et a toujours été imprégné de l'opéra. L'opéra est dans son sang. Vous pouvez trouver dans son écriture un hommage à Moussorgski, des éléments qui rappellent et s'inspirent de Boris; c'est un travail très riche. La création de cet opéra est une sorte de miracle. Quand j'ai entendu les couleurs dans l'orchestre, la puissance de ce travail, j'ai pensé, "c'est un miracle." Et maintenant, quand je regarde le DVD, je vois la force de cet opéra, je pense que c'est vraiment une création extraordinaire. la puissance de ce travail, j'ai pensé, "c'est un miracle." Et maintenant, quand je regarde le DVD, je vois la force de cet opéra, je pense que c'est vraiment une création extraordinaire. la puissance de ce travail, j'ai pensé, "c'est un miracle." Et maintenant, quand je regarde le DVD, je vois la force de cet opéra, je pense que c'est vraiment une création extraordinaire.
Le défi de l'opéra réside dans le fait que le personnage principal est sur scène depuis commençant à la fin. Ses lignes vocales sont extrêmement complexes, avec une tessiture inconfortable, musicalement très difficile en termes d'intonation, d'intervalles, de rythme - très compliquée, et en même temps le travail est très exigeant en termes d'action. Il appelle à un investissement de 100% dans le rôle; vous ne pouvez pas sortir du personnage à tout moment. Jamais. C'est comme La Voix Humaine- La femme qui doit parler au téléphone pendant une heure sans s'arrêter. Mais il a un pouvoir orchestral et vocal qui le rend vraiment digne d'être diffusé dans le monde entier. J'aimerais que les ténors d'aujourd'hui aient le courage de chanter ce travail à un moment donné. Ce serait fantastique. 
 
OL - Oui. J'ai vu la production hongroise sur YouTube. Le ténor a une voix similaire à la vôtre, alors ça a bien marché. 
 
RA - Il a une tessiture plus élevée, et chante un répertoire légèrement plus léger que moi. Mais il était autrefois un acteur théâtral, et il a apporté une belle interprétation et une belle musicalité au personnage. Je l'ai félicité quand il est venu m'écouter à Otello, je pensais qu'il faisait vraiment du bon travail.
 
OL - Absolument. J'ai regardé la pièce et elle est puissante, et savamment mise en scène avec les deux périodes présentées de chaque côté de la scène. 
L'orchestration est dense et riche, et elle est tonale tout le long. Ton frère doit être félicité pour une belle partition. Le retour à la musique tonale est-il une voie à suivre pour l'opéra contemporain, après que nombre d'œuvres atonales et dissonantes aient été louées par les critiques, mais qu'elles aient échoué auprès du public?
 
RA - Il y a aussi une dissonance dans le travail de mon frère. C'est ce qui est remarquable, parce que le tourment de l'homme condamné ne peut exister sans ces dissonances. Mais ils sont planifiés. Ils contribuent au tout, ils s'harmonisent avec lui. Ce n'est pas de la dissonance pour elle-même, voyez-vous? Les dissonances de David sont justifiées, vous les entendez à peine, elles ne vous sautent pas aux pieds, car elles sont complètement intégrées à l'œuvre. C'est ce qu'il a réussi à faire. Par exemple, la fin est sublime: il a écrit une sorte de tarentelle sicilienne, un tourbillon, une sorte de danse qui pourrait s'apparenter à une transe.
 
C'est un travail qui va s'accomplir. On nous a demandé le score pour le jouer à nouveau en Pologne. Quel autre travail contemporain a déjà eu autant d'exposition en moins de cinq ans? Un CD dirigé par Plasson, trois prix en Hongrie, une émission en direct de Mezzo dans soixante-dix pays, deux concerts à Paris, un troisième à Valence, une production française à Avignon, un DVD, une émission de télévision sur France Télévision, c'est incroyable . 
 
OL - Oui, c'est génial. Y a-t-il des plans pour le mettre aux États-Unis? 
 
RA - Nous y travaillons. Aux États-Unis, vous ne pouvez créer que des œuvres en anglais. Mais puisque la condamnée est une noire américaine, pourquoi ne pas chanter sa part en anglais? Je pense vraiment qu'il pourrait être intéressant d'avoir la partie du caractère contemporain en anglais, et celle du caractère original de Hugo en français.
 
OL - C'est une très bonne idée. 
 
RA - En fait, nous avons déjà commencé. Au début de l'opéra, la femme condamnée est interviewée. Quand nous avons mis l'opéra en France, cette interview d'introduction était en anglais. Nous pensions que chaque fois que nous le ferions dans un pays différent avec une femme condamnée différente, nous ferions cette interview dans la langue du pays - coréen en Corée, espagnol en Amérique latine, russe en Russie et ainsi de suite, avant de continuer en français. Mais pour les États-Unis, l'ensemble de la partie soprano pourrait être en anglais. 
 
OL - Super. Nous devrions peut-être aussi faire une interview avec votre frère pour parler du processus créatif.
 
RA - Oui, oui. Il prépare un autre opéra. Le problème aujourd'hui est que créer quelque chose demande beaucoup d'argent. Sans aide, sans subventions, il n'est pas facile de produire quelque chose par soi-même. 
 
OL - Donc pas de subvention pour des travaux de cette qualité? 
 
RA - Non, parce que vous savez que vous devez être dans le cercle intérieur. Parce que nous travaillons en famille, nous avons toujours été marginalisés, et je suis constamment critiqué, presque ostracisé pour cela, sans aucun fondement pour cela. Cela me semble étrange. 
 
OL - Est-ce à cause de tes origines siciliennes?
 
RA - Non, pas seulement ça. Tu sais, je n'ai jamais rien demandé. Enfant, j'étais très timide. Et même aujourd'hui, malgré le fait que j'ai réussi dans cette profession, je ne peux pas approcher un metteur en scène de théâtre et lui demander: «Pouvez-vous mettre cet opéra pour moi? Je n'ai jamais fait ça dans ma vie, pas plus que mon agent. Je sais que beaucoup d'autres se comportent comme ça, mais pas moi. Tous les projets que j'ai réalisés dans les théâtres du monde étaient des suggestions que j'ai acceptées. Et quand j'avais des projets qui me sont chers, des œuvres comme Cyrano de Bergerac, Orphée et Eurydiceet ainsi de suite, au lieu de demander aux autres, je les ai produits moi-même. Cette timidité invalidante est une sorte de faute qui a causé des problèmes pour moi; et c'est plutôt étrange parce que souvent les médias et même les professionnels l'interprètent comme l'ego, la fierté. Mais ce n'est pas ça, c'est dans ma famille, nous n'avons jamais été audacieux. Notre éducation ne devait jamais demander quoi que ce soit. Vous deviez faire les choses par vous-même. Mon grand-père m'a dit "si quelqu'un fait quelque chose de bénéfique pour vous, vous devez le rendre triple." C'est la mentalité sicilienne, le tempérament sicilien. 
 
OL - En ce qui concerne votre identité culturelle: vous considérez-vous sicilien ou français?
 
RA - Eh bien, ni l'un ni l'autre. Toute ma famille est sicilienne. Nous avons vécu longtemps dans une communauté fermée, nous n'avons rencontré personne, nous ne parlions que sicilien. Quand je suis arrivé à l'école maternelle, je ne parlais pas français, alors au début je me sentais plus italien. Mais quand j'étais en Italie, on m'a dit "tu sais, tu es français". J'ai été le premier enfant de ma famille sicilienne née en France, donc d'une certaine manière je n'ai été ni l'un ni l'autre, comme beaucoup d'enfants immigrés. Ce n'est qu'en 2005 que je me suis sentie française, il n'y a pas si longtemps. A ce moment, je me sentais patriote. J'ai de la chance, car en faisant ce travail, je suis vraiment un citoyen du monde. J'étais marié à un roumain, maintenant je suis avec un polonais, j'ai vécu en Suisse, je voyage constamment partout et je suis donc un vrai citoyen du monde. Mais de nos jours, je me sens toujours français. Bien que mes parents parlent encore le sicilien, nous parlons plutôt français à la maison. Sauf quand nous crions, nous le faisons en sicilien. [des rires]
 
OL - Cela me rappelle votre clip YouTube, La Luna Mezzo Mari . C'est tellement amusant! J'aime ça.
 
RA - Savez-vous que lorsque nous avons fait cette vidéo, nous étions tous dans des pays différents? Je l'ai enregistré sans son, juste avec des clics dans mon casque, et le rythme. J'ai chanté dessus, improvisant toute la mise en scène. Et puis nous avons tout mis ensemble. 
 
OL - Incroyable! Continuons. En plus du travail de ton frère, il y avait un autre opéra contemporain écrit spécialement pour toi: Marius et Fanny de Vladimir Cosma , d'après Marcel Pagnol. Pourriez-vous parler de cet opéra à nos lecteurs? Chez Opera Lovely, nous essayons de faire de notre mieux pour promouvoir l'opéra contemporain, ce qui nous semble important pour maintenir la forme d'art en vie. 
 
RA - J'ai adoré Marius et Fanny. Je pense que c'est un opéra merveilleux, qui a été critiqué par certains comme étant un opéra léger, populaire, simple. Mais ce n'est pas du tout simple, c'est exactement dans la même veine que Puccini. C'est très dramatique, avec un grand orchestre. C'est très difficile de chanter, et personnellement je l'adorais, car pour commencer j'ai déjà aimé le personnage de la trilogie Marcel Pagnol, puis parce que j'aimais la musique; Je pense que c'est très touchant, et Vladimir Cosma a très bien réussi à décrire la vie quotidienne des Marseillais. Vous pouvez percevoir le port, la ville de Marseille dans son travail, et les protagonistes sont très bien caractérisés. La musique est très belle; c'était un grand plaisir pour moi de chanter cet opéra. J'espère que je serai capable de le chanter à nouveau. Vladimir Cosma est devenu depuis un ami. Nous parlons souvent au téléphone. JE' Je suis chanceux d'avoir ces deux belles œuvres contemporaines dans mon répertoire, et en plus de cela, deux opéras sont en cours d'écriture pour moi. J'espère avoir l'occasion de les chanter aussi, car ils sont sur des sujets qui me tiennent particulièrement à cœur.
 
OL - Au cours des dernières années, vous avez contribué à attirer l'attention sur des œuvres négligées du répertoire français, comme Le Jongleur de Notre-Dame de Massenet ou Fiesque d' Édouard Lalo . Quels autres opéras français méritent d'être interprétés plus fréquemment? Y a-t-il des compositeurs particuliers dont la musique, selon vous, a été sous-estimée et mérite une attention plus soutenue? 
 
RA - J'ai toujours aimé rendre justice à des œuvres oubliées ou à des compositeurs méconnus. Car comme je vous l'ai dit au début de notre conversation, je suis passionné par l'opéra et la musique. Déjà dans mon premier album, je voulais enregistrer des arias peu connus, par exemple de Polyeucte de Gounod . J'ai eu la chance de créer Fiesquepar Lalo. Une histoire assez étonnante, parce que ce travail n'a jamais été produit, et il n'y avait pas d'orchestration. Nous avons été obligés de rechercher l'orchestration comme Lalo l'aurait voulu. C'est une vraie création. C'est un beau travail, et c'est dommage qu'il n'ait jamais été mis. Le Jongleur de Notre-Dame est pour moi l'œuvre la plus belle et la plus surprenante de Massenet. Chaque barre contient quelque chose de nouveau. Cette fameuse simplicité dont je parlais tout à l'heure, c'est si difficile à trouver, Massenet l'a dit dans son travail. En même temps, c'est ce qui le rend si complexe. L'intrigue, l'harmonie, tout contribue à en faire un chef-d'œuvre. Mais il y a d'autres choses. Je me souviens par exemple que lorsque j'ai commencé, j'étais le seul à chanter Roberto Devereux. De même quand j'ai chanté Lucia di Lammermoor en français, c'était un travail qui n'avait pas été mis en place depuis ses débuts. Ou, j'ai été le premier à chanter la deuxième version de "Una furtiva lagrima" de Donizetti, qui a été écrite dix ans plus tard. J'ai enregistré la plus longue version de Contes d'Hoffmann , avec des parties chantées et enregistrées pour la première fois. Et maintenant je suis toujours engagé dans la recherche à la maison. Ces jours-ci, par exemple, j'aimerais mettre sur un travail comme Nero d'Anton Rubinstein; un travail fantastique qui n'a jamais été produit. Ou Amleto de Franco Faccio . Il était le chef d'orchestre de Verdi. Et puis ils sont tombés parce que Verdi est parti avec sa femme. 
 
OL - Oh.
 
RA - Oui. Mais il était un bon compositeur; il a créé un Hamlet en italien pour un ténor à chanter. C'est un peu comme lorsque nous avons redécouvert Cyrano de Bergerac d' Alfano. Je suis tombé sur la partition par hasard. Et quand je l'ai vu, j'ai eu les larmes aux yeux, parce que je l'ai trouvé si incroyablement beau, et je l'ai gardé avec moi pendant cinq ans. Cinq ans ont passé et personne n'a voulu le produire. Alors je l'ai mis sur moi-même. Et vous savez que nous sommes les seuls au monde à avoir chanté la version française de 1935 que j'ai créée avec mes frères. Alfano a dû le changer en 1936 pour une version italienne pour José Luccioni à Rome. Ensuite, quand le travail a été donné en France, il a été traduit de la version italienne, alors que la version originale de 1935 n'a jamais été produite. Aujourd'hui, je suis ravi car Ricordi a publié une nouvelle partition dans la version "Alagna" [rires]. 
 
OL - Fantastique, vous faites votre marque dans l'histoire de l'opéra, n'est-ce pas?
 
RA - Nous avons étudié tous les manuscrits de Ricordi et les documents originaux, et mes frères et moi avons travaillé en utilisant ces derniers comme base. 
 
OL - A dix-sept ans, chantant dans des cabarets parisiens, vous avez rencontré le bassiste et chanteur cubain Rafaël Ruiz. Ruiz devait devenir ton premier professeur de chant. Est-ce qu'il vous a aussi transmis un amour spécial pour le Latin Jazz, par exemple? Si oui, qui aimez-vous écouter, dans ce genre?
 
RA - Oui, bien sûr. Vous savez, j'ai passé quelques-uns des plus beaux moments de ma vie avec Rafael Ruiz, parce qu'il était un grand homme d'une autre époque. N'oublions pas qu'il a étudié avec Aureliano Pertile, grand ténor de Toscanini à La Scala, qui enseignait à l'époque. Puis il devient bassiste, vit dans plusieurs pays et finit à Paris comme bassiste dans les cabarets de l'époque. Il était cubain, et chez lui, j'ai rencontré des gens extraordinaires, comme Ray Barretto, Yuri Buenaventura, des gens qui lui ont rendu visite en apportant de nouveaux rythmes. J'ai été baigné dans cette musique, la rumba, depuis mon enfance, parce que j'avais quinze ans quand j'ai commencé avec lui.
 
Il m'a présenté l'aspect opératique de ma voix. Je connaissais l'opéra à travers ma famille, et cela semblait quelque chose d'intouchable et de sacré. Quand j'ai commencé dans le cabaret, c'est lui qui m'a dit que j'étais ténor, et avec lui que j'ai trouvé ma voix. Mais à l'époque nous chantions de la musique cubaine, des rancheras et ainsi de suite, tous les soirs. J'ai chanté ce répertoire pendant des années, et je dois dire que c'était aussi utile pour l'opéra, pour développer la musicalité, mais aussi pour l'endurance, et pour le swing. Swing est très important. Et si vous écoutez mes albums croisés, vous pouvez l'entendre. Rafael Ruiz a été un élément clé dans mon développement et ma construction artistique.
 
OL - Votre nouvel album, "Ma vie est un opéra", vient de sortir en France il y a quelques mois. Pouvez-vous donner un avant-goût à ceux d'entre nous de ce côté-ci de l'Atlantique avant qu'il ne soit publié ici, et nous parler des arias et des duos que vous avez enregistrés sur ce disque?
 
 
 
RA - Cela fait environ dix ans que j'ai enregistré un album de studio d'opéra pour la dernière fois. J'entends par là que tous mes enregistrements d'opéra des dix dernières années ont été des vidéos de concerts ou de concerts. Au cours des dix dernières années, je n'ai fait que du crossover en studio. Donc ce disque d'opéra est un vrai retour en studio, et ça n'a pas été facile. J'avais déjà enregistré de nombreux disques de récital et j'ai déjà une discographie satisfaisante. Donc je me demandais quoi faire ensuite. Je me suis dit que de nos jours je partage une nouvelle vie, un nouveau départ, avec Aleksandra [Kurzak]. C'est comme si un chapitre est terminé et qu'un nouveau a commencé. Et j'ai ressenti le besoin de raconter les progrès de ma carrière à travers les airs du récital. C'est comme si j'avais fait une rétrospective de ma vie d'opéra. Il y a eu des moments heureux, du drame, de la tragédie, de la comédie, il y a eu de l'amour, contes de fées, fables, succès, échec, trahison, tout cela dans ma vie jusqu'à présent. Tous ces éléments en font un véritable opéra. Alors je me suis dit que si je faisais un album, il comprendrait des airs d'opéra qui illustrent les étapes de ma vie. Mais là encore ce n'est pas si simple. Je pensais que les acheteurs de l'album pourraient demander "pourquoi chante-t-il encore?" Nous devions trouver un moyen de raconter ce que j'avais fait et vécu sans nous répéter, mais plutôt avec des airs nouveaux pour le public. C'est pourquoi quand je chanteLe Dernier Jour d'un Condamné J'ai choisi l'air de la Femme Condamnée, parce que je ne l'avais jamais chanté, c'est assez nouveau. A l'origine, ces mots ont été écrits pour le condamné, et nous les avions adaptés pour la femme condamnée. Alors maintenant, c'est un peu comme revenir au texte original de Hugo. Quant à Orfeo , je l'avais déjà chanté en français, alors maintenant j'ai choisi de l'enregistrer en italien. C'est un hommage à Pavarotti, et en même temps je peux montrer que moi aussi j'étais Orphée quand j'ai perdu ma première femme. Moi aussi j'ai ressenti le sentiment que le sol s'est écroulé sous mes pieds; Moi aussi, je voulais aller à sa poursuite dans l'au-delà parce que je pensais que c'était si injuste de mourir à vingt-neuf ans, quand elle venait de donner naissance à notre enfant. Voici un autre exemple: le récital s'ouvre avec l'aria "Manon mi tradisce" deManon Lescaut . En fait, pendant que je préparais ce rôle, je suis tombé gravement malade et je n'ai jamais pu le chanter. C'est comme si elle m'avait vraiment trahi! Ainsi cet album raconte des moments clés de ma vie et de ma carrière. Toujours avec des allusions, avec des images ... mais il faut lire entre les lignes! 
 
OL - Super! 
 
RA - Et il y a aussi une allusion amusante. Dans l'album, je chante un duo avec ma partenaire Aleksandra, et nous avons choisi Roberto Devereux. Pourquoi ce travail particulier? Parce que d'une part pour Aleksandra, elle prédit le chemin que sa voix va bientôt prendre; et pour moi de l'autre, c'est comme si, grâce à cette jeune femme qui m'a fait à nouveau père, j'ai été rajeuni. C'est pourquoi je chante un rôle avec le même prénom que moi, un rôle que j'ai chanté en tant que jeune homme, pour montrer que j'ai une nouvelle vie. Est-ce que tu vois? Tout est donc plus ou moins fondé sur ce genre d'imagerie plutôt charmante. 
 
OL - Tu es maintenant le papa de la petite Malèna. Elle est adorable. Toutes nos félicitations. 
 
RA - Merci.
 
OL - A ce stade de votre carrière internationale extrêmement chargée, est-il difficile de gérer vos devoirs de papa par rapport à vos devoirs de chanteur, d'autant plus que votre femme est aussi chanteuse? Est-il viable, par exemple, d'organiser des spectacles où vous et Aleksandra chantez tous les deux pour que toute la famille puisse être ensemble?
 
RA - Oui, c'est très difficile, parce que je l'ai trouvé très dur quand je voyageais et j'ai dû laisser ma première fille Ornella avec mes parents. Même si je voulais l'emmener partout avec moi, sa scolarité le rendait impossible. J'étais toujours très triste, et je ne pouvais pas apprécier la beauté autour de moi parce que mes pensées étaient toujours concentrées sur ma fille. Aujourd'hui, elle a vingt-trois ans, elle est belle, elle est merveilleuse. Alors quand elle a commencé à se diversifier, à avoir sa propre maison, ses amis, sa propre vie, j'ai commencé à ouvrir les yeux et soudainement j'ai aimé New York, j'aimais voyager, parce que mon esprit était libre. Quand Aleksandra et moi avions prévu d'avoir un enfant, au début j'avais un peu peur, parce que j'avais peur de revivre ça. Mais aujourd'hui je suis ravi, parce que c'est une nouvelle jeunesse, une nouvelle force; C'est beau de vivre ces moments.
 
OL - Je parlais récemment à un autre chanteur qui m'a dit que «parfois les critiques laissent entendre qu'il y a des problèmes avec votre voix, et ils ne comprennent pas qu'il y a beaucoup de choses tragiques dans votre vie.»
 
RA - Oui Oui, c'est vrai, ce n'est pas toujours facile de chanter des soirées, c'est un travail difficile, mais vous savez, je dirais une chose ... D'une manière ou d'une autre, c'est bien qu'ils ne comprennent pas, parce que je pense que le public ou les critiques savaient la difficulté, connaissaient les problèmes, les conditions que nous chantons sous, ils souffrent autant que nous, et ce serait la fin de cette entreprise qui est ce qu'un artiste doit sacrifier.. 
 
OL - C'est vrai
 
RA - Hier soir, j'ai chanté Carmen ici, et je pense que c'était l'une de mes meilleures performances. C'était ma centième performance au Met. Je n'ai jamais eu une telle réaction de la part du directeur, du public, de mes partenaires, de mes amis. Tout le monde au Met est venu me féliciter et dire "Vous avez chanté étonnamment, votre voix était si fraîche!" C'était une de ces nuits où tout va bien, tout sonne bien, les notes hautes sont excellentes, c'est un succès. à un certain niveau bien sûr, mais hier était une de ces soirées magiques, parce que tu sais, comme l'a dit Caruso, tu es en pleine forme deux fois par an, et d'habitude tu ne chantes pas le soir (Rires). moi la force de chanter Carmen peut-être comme je ne l'ai jamais chanté dans ma vie, et j'étais très heureux, tout le monde était ravi.
 
OL - J'espère que tu seras dans la même forme lundi quand je viendrai t'entendre [rires]. Vous devez être le chanteur le plus occupé du monde. Juste en 2012/2013 par exemple, vous avez donné une quarantaine de performances et récitals, abordant 14 œuvres différentes dont 4 rôles-créations. Comment arrivez-vous à le faire? Est-ce important de s'organiser? Et la voix? Devez-vous vous soumettre à diverses contraintes telles que parler peu ou éviter les sources de maladies respiratoires possibles, pour pouvoir continuer dans cet horaire incroyablement chargé?
 
RA - J'ai toujours été un bourreau de travail, parce que ce n'est pas vraiment un travail pour moi. J'aime étudier, j'ai toujours aimé travailler sur scène. Aujourd'hui, j'avoue que je veux aussi profiter de ma famille. Ces dernières années, j'aurais peut-être voulu m'enfuir un peu d'une réalité qui ne me convenait pas en me réfugiant dans le monde magique de l'opéra, dans une histoire de fées. Aujourd'hui, la vraie vie me rend très heureux. Je trouve aussi que j'ai de la chance d'être en bonne forme physique. J'ai eu trois tumeurs dans ma vie et chaque fois je me suis amélioré. Chaque fois que je l'ai traversé; Dieu a été miséricordieux avec moi. J'aime ce travail parce que je ne le vois pas comme du travail, c'est un état d'esprit, un mode de vie. Je l'aime, j'aime apprendre, j'aime découvrir des œuvres, j'aime chanter, donner de moi-même au public, j'aime tout. Peut-être que l'enfant timide que j'étais était vivant par procuration; Je ne sais pas. Je me sentais si bien, si banal, si inintéressant ... [rires]
 
OL - C'est un peu une surprise pour moi, parce que je te trouve très intéressant. 
 
RA - Peut-être, mais je ne me suis jamais trouvé intéressant, et je suis surpris que les gens puissent s'intéresser à moi ou à mes histoires. C'est étrange. Pendant longtemps, je me suis senti invisible. J'étais invisible, personne ne m'a remarqué. J'ai vraiment existé à travers les personnages que j'ai joués sur scène, parce que là, ma timidité disparaît, et je deviens quelqu'un d'autre. Je pense que c'est un complexe d'enfants timide. 
 
OL - Cela nous amène à ma dernière question. Quelle est la personnalité de Roberto Alagna, en termes de personnalité, qui prend la vie, passe-temps et passe-temps favori outre l'opéra, la musique classique et la famille / les amis?
 
RA - J'aime les relations humaines. Les relations humaines sont quelque chose qui me touche énormément. Je n'ai pas besoin de parler beaucoup. Par exemple, j'ai un ami d'enfance qui est gitan, nous nous connaissons depuis l'âge de six ans, et nous pouvons passer des jours ensemble sans parler, être ensemble. Nous n'avons pas besoin de parler; il y a des signaux, des regards, des choses comme ça. J'avais exactement le même genre de relation avec Luciano Pavarotti. Nous ne parlions pas mais nous nous comprenions à travers les regards, comme les Amérindiens. [Rires] Mes passions? Certainement en lisant - j'ai toujours lu avec voracité. Je suis un très grand lecteur qui aime toutes sortes de sujets si je m'y intéresse. Je peux facilement aller de la comédie à la littérature, à la religion et ainsi de suite. J'ai aussi une passion pour les instruments de musique, pour le cinéma, pour les arts en général, la peinture, la sculpture. JE' Je suis chanceux parce que j'ai des frères qui sont peintres et sculpteurs. Mis à part les arts, je n'ai aucun intérêt pour les voitures, les casinos, les jeux, rien de tel. Ce qui m'intéresse, c'est la psychologie, la condition humaine, le comportement humain. Par exemple en politique, je suis un observateur. Ce n'est pas vraiment ce que les politiciens disent qui m'intéresse, mais comment ils le disent, comment ils influencent le comportement des gens. J'aime l'histoire aussi. Je m'intéresse aussi à la religion, dans toutes les religions même si je suis catholique - et à la théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse. Mis à part les arts, je n'ai aucun intérêt pour les voitures, les casinos, les jeux, rien de tel. Ce qui m'intéresse, c'est la psychologie, la condition humaine, le comportement humain. Par exemple en politique, je suis un observateur. Ce n'est pas vraiment ce que les politiciens disent qui m'intéresse, mais comment ils le disent, comment ils influencent le comportement des gens. J'aime l'histoire aussi. Je m'intéresse aussi à la religion, dans toutes les religions même si je suis catholique - et à la théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse. Mis à part les arts, je n'ai aucun intérêt pour les voitures, les casinos, les jeux, rien de tel. Ce qui m'intéresse, c'est la psychologie, la condition humaine, le comportement humain. Par exemple en politique, je suis un observateur. Ce n'est pas vraiment ce que les politiciens disent qui m'intéresse, mais comment ils le disent, comment ils influencent le comportement des gens. J'aime l'histoire aussi. Je m'intéresse aussi à la religion, dans toutes les religions même si je suis catholique - et à la théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse. comportement humain. Par exemple en politique, je suis un observateur. Ce n'est pas vraiment ce que les politiciens disent qui m'intéresse, mais comment ils le disent, comment ils influencent le comportement des gens. J'aime l'histoire aussi. Je m'intéresse aussi à la religion, dans toutes les religions même si je suis catholique - et à la théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse. comportement humain. Par exemple en politique, je suis un observateur. Ce n'est pas vraiment ce que les politiciens disent qui m'intéresse, mais comment ils le disent, comment ils influencent le comportement des gens. J'aime l'histoire aussi. Je m'intéresse aussi à la religion, dans toutes les religions même si je suis catholique - et à la théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse. dans toutes les religions, même si je suis catholique - et en théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse. dans toutes les religions, même si je suis catholique - et en théologie. Mon arrière-grand-mère était une grande conteuse, quand j'étais petite, elle me racontait des histoires bibliques, comme s'il s'agissait de films. Et c'est peut-être ce qui m'a fait aimer l'opéra. Elle avait un talent. Donc vous voyez, je suis assez éclectique, mais ce que j'aime le plus, ce sont les gens, j'aime mes semblables - c'est ce qui m'intéresse.
 

English

19 février 2015
Opera Lively has interviewed Roberto Alagna, and it is one of our best interviews to date. This is the Opera Lively interview #159, and now both the French original and the English translation are available. Our French-speaking readers can benefit from this delightful and revealing piece by clicking [here] to see the French version. Scroll down or click on Read More below for the the English version. 
 
Luiz Gazzola for Opera Lively – Don José has been talked about over and over, but there are always interesting insights to be had, I bet. Please tell us how you see the psychology of this character, and what as an actor you try to imprint on the role.
Roberto Alagna - Don José is a role that has been part of my life for many years, and that has grown with me, because I'm particularly interested in incorporating my own life experience into the characters I play. What’s certain is that the Don José I played twenty years ago is not the same as the one I sang last night. Over time, I have matured, with all the experiences and tragedies of one’s life. What’s more, at my age, as a result of my life experience, I never judge people's behavior. I always think that there is a reason why someone behaves in a certain way. Similarly, I always tend to see the positive side of the characters I play, whoever they are.
 
What is interesting about Don José is that this opera is not about Carmen but about him. He actually is the main character; he is the one who evolves throughout the opera. Originally José comes from a religious background, where honor counts for a lot; and he is Basque. You have to understand that he got into his predicament because he killed someone. It is clear from this that he has a rather proud and fiery temperament, and a sense of honor. Because of what he did, he was made an offer: either he went to prison, or he could enlist as a soldier in Seville. And if you put yourself into the mindset of the time, think that for a Basque, a man of the North, to be sent to Seville was like being sent as a convict to Siberia or a criminal in exile. It was a serious punishment, a banishment. This is also why, when Micaela says, "your mother has forgiven you," he is very touched, because he knows his action ruined everything. He broke his vow to his mother who had hoped for him to marry Micaela, to be a good son, to replace his dead father, and to be the man of the family. It is important to understand that.
 
What I like about this character is that contrary to what is often made of him - a three-dimensional character but a somewhat gullible one - in reality this is not the case. When we read Mérimée’s novel, we understand that he is instead a kind of time bomb that could explode at any moment. And fundamentally he is a very dangerous man, both because of his beliefs and his temperament. Don’t forget he is also a Spanish macho. So it is very difficult for him to say "I love you" to Carmen- he has never said "I love you" to his mother or his father, or indeed to anyone.
 
In the fourth act when he meets Carmen again, he says, "let me save you and save myself with you." Personally I find here a link with Athanaël from Thaïs. He sees in Carmen a kind of incarnation of evil, as if she was bewitched by the devil; it is as if he wanted to exorcise her. He comes to her saying "Come, I come to save you, and I want to save myself with you." He behaves like an exorcist or a redeeming prophet who tries to save a soul, and save himself at the same time. And at the end, he puts it very well: "For the last time, demon, will you follow me?“. This aspect of the character interests me. When I was younger I saw in him a rather macho male side, hot-blooded, a little naive. Today, I see a much deeper character.
 
OL – Even for a role you know as well as Don José, do you seek inspiration from illustrious predecessors? If yes, who are the ones you uphold, and what is your recipe for a great Don José?
 
RA - Yes of course. As well as being a singer, I am a great fan of opera, theater, literature, etc., but my first passion is opera. I used to be a big audio collector. Nowadays with YouTube, you have at your disposal a huge library, a huge disco, a huge video library. It is an indispensable tool for me today, as I am still doing research. So I listened to all the historical Josés . When I was younger, I liked the Don José of Franco Corelli, Del Monaco, Vickers; Today I prefer something much simpler, that is to say, for example, those of Raoul Jobin, José Luccioni or even Alain Vanzo, because there is in them a greater simplicity in the way of saying the words and in the rhythm. I mean, there is no strong effect, and that is what today I seek in my singing. Not just as Don José, but in everything I do, and you will notice that in the last album I recorded, I am seeking simplicity. And I believe that simplicity is the hardest thing to find.
 
OL – Your Carmen is the lovely Elīna Garanča. She is gifted in voice, acting, and looks. Please tell us about working with her.
 
RA - It is a great pleasure to work with a partner like Elīna because we're friends, and we have a great admiration for one another. I must say that I am very lucky because I've always had a very good relationship with my colleagues, both men and women. Today, singing with someone like Elīna is really pleasurable because she is also a musician and someone who loves to share and have good discussions. For example, we have created this Carmen together. Of course, this is Richard Eyre’s production, but let's say that 60% is also our creation.
 
I have great respect for my colleagues because I think that this profession is one of the most difficult of all. This is the only art-form today that makes us work in the same conditions as two centuries ago. We do not have the benefits of modern technology. For the audience there are recordings and so on, but when we we're on stage, we sing in the same way as we always have. Except that in addition, we have stress and pressures that singers did not in the past. Orchestral instruments have benefited from modern technology and are much more efficient, but our poor vocal cords are still the same. That is why I have great respect for artists who share the stage with me, and my partners know this. When I sing a duet, I like it to be a true duet, not a duel.
OL - We were impressed with your recent and triumphant performance in Otello in the Chorégies in Orange. What especial challenges exist for the singer in performing in an open air theater? Wind, allergens in the air, temperature, acoustics…? On the other hand it must be pretty special to sing in this place steeped in history, including opera history (for example with the iconic Norma by Montserrat Caballé). Comments?
RA - Orange is a special place, very challenging, but absolutely magical when there is no wind. But if the Mistral blows or when the weather conditions are poor, it can become a real nightmare. To start with the stage is huge, over a hundred meters, so with every entrance and exit, it's like a marathon. For example, for Otello this year, we had foul weather conditions. It rained almost every day and we were forced to postpone the performance, so that we sang Otello for four out of six days. What you saw was the final performance.
 
I was sick, because as it was very cold and I was only half-clothed, I caught a cold. In addition, I dislocated two vertebrae. You’d have to be superhuman to sing in such conditions. At the same time, I must say that I am very proud, because I’ve been singing at the Chorégies in Orange since 1993 and it is somewhere that acts as a kind of barometer of my current form. Orange always takes place late in the season, so you've already sung a lot and you have to give your all in this massive theater, where you’re fighting against the elements. But these two thousand-years-old stones have a lot of soul, and returning there is a kind of a pilgrimage or ritual for me. You were talking about Norma with Caballé and Vickers, which is wonderful. Did you know that when they made this video, everything was from a backing track? They were not actually singing live.
 
OL – Oh!
 
RA – Yes really! Because there was so much wind!
 
OL – Unbelievable!
 
RA - Pierre Jourdan directed the film. Everything was pre-recorded. Neither Vickers nor Caballé are singing live in this performance.
 
OL - That’s disappointing, because for me this "Casta Diva" is the best live version, but if it’s a studio version, that's easier!
 
RA - [laughs] Yes. It is a studio version! [laughs] But the images are beautiful, because there is wind, it floats and it is superb. This is why I say that what we’ve been doing there for years, singing live, is a major challenge.
 
OL – Yes, right. It has been confirmed that you will sing Lohengrin at the 2018 Bayreuth Festival, with Christian Thielemann conducting (Anna Netrebko still unconfirmed but might be the Elsa). This is really a major step in your career – your first role in the German repertoire, isn’t it?
 
RA - I’ve sung arias in German, but never an entire opera. Personally, I've always loved Wagner particularly interpreted by lyric clear-voiced tenors such as Georges Thill or Francois Gautier. The goal of an artist should not be to stay in your comfort zone, but to always push the limits as far as possible. I think I have an artistic soul in that I am always curious to surpass myself and to find new resources in myself so that I can give the audience another reading, another vocal aspect, another side of a work and my art.
 
OL – How do you prepare for new roles?
 
RA – I used to work with a great French vocal coach, Simone Féjard. Today I study new roles by myself.
 
OL - Are you considering taking on other roles in the German lirico-spinto repertoire – Max in Der Freischütz, Beethoven’s Florestan, or the Prince in Humperdinck’s Königskinder, for example?
 
RA - I have been offered Tannhäuser in a French version, and I’ve started to work on it, it's really a bel-canto work. And when you listen to Parsifal, so is that! In fact, there is Italianità in all Wagner’s works. [Laughs] It's everywhere. I was offered Florestan a year or two ago. I almost said yes, but the problem is that we were to do three shows in a row, every day. And I said no, because I cannot sing three days in a row. I felt that it was not professional, so I refused. I’ve always liked Florestan. The first aria is beautiful, and the ending is particularly superb. Ten years ago I was offered Max, in a French version by Berlioz; this was also interesting. To tell the truth, all these works interest me, but I still have to tackle so many works that are closer to my vocal type, so it would be ridiculous for example to sing Freischütz and Fidelio, but not to sing Fedora, or La Forza del Destino, Luisa Miller and Manon Lescaut. For time being I’m trying to do everything possible to prioritize singing these works. I’d also like to sing La Fanciulla del West, Il Tabarro, Samson, Jean in Hérodiade. So you see that there are many roles that I have not yet tackled, and it would be silly to perform others which don’t fit so well with my temperament and voice type, while ignoring roles that I consider almost my vocal birthright.
 
OL – OK. This past December also saw the release of the DVD of your brother David’s opera, The Last Day of a Condemned Man, based on Victor Hugo’s novel opposing capital punishment. You not only sing the title role, but also worked with David and your brother Frédérico on the libretto. You’ve described the condemned prisoner as one of the most difficult parts you’ve ever sung. What do you consider the greatest challenges of this role?
 
RA. This opera is extraordinary. I'm not saying that because he was composed by my brother, but because it's true. Whenever we performed it, in the face of any audience prejudices and preconceptions, it invariably ended with a standing ovation. The other day Michel Plasson mentioned to me how much he would like to conduct Le Dernier Jour d’un Condamné again. I think he also fell in love with this work, as did all those who worked on that score, be they singers, director, conductor, everyone. Forgive me if this sound pompous, but it is a masterpiece, in the same vein as Mascagni’s Cavalleria. Mascagni composed that as a young man for a competition, and my brother has a similar story. He wrote it because I asked him to. He was very young, only eighteen when he began. This is his first opera, and it is incredibly mature for a first composition. It is as if he was touched by a divine inspiration, a special grace. This opera is really successful, and I would even say it is a very strong work. I am very interested in contemporary opera, I listen a lot. I really think it is the modern opera which will remain in the repertoire in the future. I'm sure of it. You know why? Because most operas that are now being composed are written by great composers, great technicians, great orchestral masters, great connoisseurs of classical music, but not by opera lovers. And that's the big difference. In contrast my brother David is a true opera enthusiast, who grew up by my sides and has always been steeped in opera. Opera is in his blood. You can find in his writing a tribute to Mussorgsky, elements reminiscent of and inspired by Boris; it’s a very rich work. The creation of this opera is a kind of miracle. When I heard the colors in the orchestra, the power of this work, I thought, "this is a miracle." And now when I look at the DVD, I see the strength of this opera, I think it's really an extraordinary creation.
 
The challenge in the opera lies in the fact that the main character is on stage from beginning to end. His vocal lines are extremely complex, with an uncomfortable tessitura, musically very difficult in terms of intonation, intervals, rhythm - very complicated, and at the same time the work is very demanding in terms of acting. It calls for a 100% investment in the role; you can’t step out of character at any point. Never. It's like La Voix Humaine - the woman who has to talk on the phone for an hour without stopping. But it has an orchestral and vocal power that makes it really deserving to be put on worldwide. I would love today’s tenors to have the courage to sing this work at some point. That would be fantastic.
 
OL – Yes. I saw the Hungarian production on YouTube. The tenor has a similar voice to yours, so it worked well.
 
RA - He has higher tessitura, and sings a slightly lighter repertoire than me. But he was once a theatrical actor, and he brought a beautiful interpretation and a beautiful musicality to the character. I congratulated him when he came to listen to me in Otello, I thought he really did a great job.
 
OL – Absolutely. I’ve watched the piece and it is powerful, and cleverly staged with the two time periods presented on each side of the stage. 
The orchestration is dense and rich, and it is tonal all the way. Your brother is to be congratulated for a beautiful score. Is going back to tonal music a way to go for contemporary opera, after many of the atonal, dissonant works being praised by critics but failing with the public?
 
RA - There is also dissonance in my brother's work. That's what is remarkable, because the condemned man‘s torment cannot exist without these dissonances. But they are planned. They contribute to the whole, they harmonize with him. This is not dissonance for its own sake, you see? David’s dissonances are justified, you hardly hear them, they don’t jump out at you, because they are completely integrated into the work. That is what he managed to do. For example, the ending is sublime: he wrote a kind of Sicilian tarantella, a whirlwind, a kind of dance that could be likened to a trance.
 
It is a work that will catch on. We were asked for the score to perform it again in Poland. What other contemporary work has already had so much exposure in less than five years? A CD conducted by Plasson, three awards in Hungary, a live TV broadcast by Mezzo in seventy countries, two concert performances in Paris, a third in Valencia, the French stage production in Avignon, a DVD, TV broadcast on France Télévision, it's unbelievable.
 
OL – Yes, it’s great. Are there any plans to put it on in the US?
 
RA - We are working on it. In the US you can only create works in English. But since the condemned woman is a Black American, why not sing her part in English? I really think it might be interesting to have the part of the contemporary character in English, and that of Hugo’s original character in French.
 
OL – That’s a very nice idea.
 
RA - In fact we have already begun. At the beginning of the opera, the condemned woman is interviewed. When we put on the opera in France, this introductory interview was in English. We thought that every time we’d do it in a different country with a different condemned woman, we would do this interview in the language of the country - Korean in Korea, Spanish in Latin America, Russian in Russia and so on, before continuing in French. But for the US, the whole of the soprano part could be in English.
 
OL - Great. Maybe we should do an interview with your brother, too, to talk about the creative process.
 
RA - Yes, yes. He is preparing another opera. The problem today is that creating anything requires a lot of money. Without any help, without subsidies, it’s not easy to produce something on your own.
 
OL - So no subsidy for works of such quality?
 
RA - No, because you know you have to be in the inner circle. Because we work as a family we have always been marginalized, and I am constantly criticized, almost ostracized for it, without any foundation for this. It seems strange to me.
 
OL - Is it because of your Sicilian origins?
 
RA - No, not only that. You know, I never asked for anything. As a child, I was painfully shy. And even today, despite the fact that I have succeeded in this profession, I can’t approach a theater director and ask him "Can you put on this opera for me?" I've never done that in my life, nor has my agent. I know that many others behave like that, but not me. All the projects I have done in theaters around the world were suggestions that I agreed to . And when I had projects dear to my heart, works such as Cyrano de Bergerac, Orphée et Eurydice, and so on, instead of asking others, I produced them myself. This crippling shyness is a kind of fault which has caused problems for me; and it is rather odd because often the media and even professionals interpret it as ego, pride. But it's not that, it's in my family, we’ve never been bold. Our upbringing was never to ask for anything. You had to do things by yourself. My grandfather told me "if someone does something beneficial for you, you have to return it threefold." It's the Sicilian mentality, the Sicilian temperament. 
 
OL - With regard to your cultural identity: do you consider yourself Sicilian or French?
 
RA - Well, neither one nor the other. My whole family is Sicilian. For a long time we lived in a closed community, we met no one, we spoke only Sicilian. When I got to kindergarten, I did not speak French, so at first I felt more Italian. But when I was in Italy, I was told "you know, you’re French." I was the first child of my Sicilian family born in France, so in a way I've been neither one nor the other, like many immigrant children. It was not until 2005 that I felt French, it was not that long ago. At that moment, I felt patriotic. I'm lucky, because in doing this job, I really am a citizen of the world. I was married to a Romanian, now I'm with a Pole, I’ve lived in Switzerland, I constantly travel all over the place and so I am a true citizen of the world. But nowadays I still feel French anyway. Although my parents still speak Sicilian, now we tend to speak French at home instead. Except when we yell, we do that in Sicilian. [laughs]
 
OL - That reminds me of your YouTube clip, La Luna Mezzo Mari. It's such fun! I love it.
 
RA - Do you know that when we made this video we were all actually in different countries? I recorded it without sound, just with clicks through my headset, and the beat. I sang over that, improvising all the staging. And then we put it all together.
 
OL – Amazing! Let’s go on. In addition to your brother’s work, there was another contemporary opera written especially for you: Vladimir Cosma's Marius et Fanny, after Marcel Pagnol. Would you please tell our readers about this opera? We at Opera Lovely try to do our best to promote contemporary opera, which we feel is important to keep the art form alive.
 
RA - I loved Marius et Fanny. I think it is a wonderful opera, which has been criticized by some as a being light opera, popular, simple. But it’s not at all simple, it's in exactly the same vein as Puccini. It's very dramatic, with a large orchestra. It's very difficult to sing, and I personally adored it, because to start with I already loved the character in the Marcel Pagnol trilogy, and then because I loved the music; I think it is very touching, and Vladimir Cosma was very successful in depicting the everyday lives of the people of Marseille. You can perceive the port, the city of Marseille in his work, and the protagonists are very well characterized. The music is very beautiful; it was a great pleasure for me to sing this opera. I hope I will be able to sing it again. Vladimir Cosma has since then become a friend. We often talk on the phone. I'm lucky to have these two beautiful contemporary works in my repertoire, and on top of that two operas are currently being written for me. I hope I have the opportunity to sing them too, because they are on topics extremely close to my heart.
 
OL - In recent years, you have helped to bring attention to neglected works in the French repertoire, such as Massenet’s Le Jongleur de Notre-Dame or Édouard Lalo’s Fiesque. What other French operas do you think deserve to be performed more frequently? Are there particular composers whose music you believe has been undervalued and merit closer attention?
 
RA - I’ve always liked to do justice to forgotten works or unappreciated composers. Because as I told you at the beginning of our conversation, I am passionate about opera and music. Already in my first album, I wanted to record little known arias, for example from Gounod’s Polyeucte. I had the chance to create Fiesque by Lalo. A pretty amazing story, because this work has never been produced, and there was no orchestration. We were forced to research the orchestration as Lalo would have wanted it. It is a true creation. It’s a beautiful work, and it’s a pity it has never been put on. Le Jongleur de Notre-Dame is for me Massenet’s most beautiful and surprising work. Each bar contains something novel. That famous simplicity I was talking about earlier, that is so hard to find, Massenet put it in that in very work. At the same time, that’s what makes it so complex. The plot, the harmony, everything contributes to making it a masterpiece. But there are other things. I remember for example, that when I first started out, I was the only one singing Roberto Devereux. Similarly when I sang Lucia di Lammermoor in French, it was a work that had not been put since its debut. Or, I was the first to sing the second version of “Una furtiva lagrima” by Donizetti, which was written ten years later. I’ve recorded the longest version in existence of Contes d’Hoffmann, with some parts being sung and recorded for the first time. And now I’m always engaged in research at home. These days, for example, I would love to put on a work like Anton Rubinstein’s Nero; a fantastic work that has never been produced. Or Franco Faccio’s Amleto. He was Verdi’s orchestra conductor. And then they fell out because Verdi went off with his wife.
 
OL – Oh.
 
RA - Yes. But he was a good composer; he created a Hamlet in Italian for a tenor to sing. It's a bit like when we rediscovered Alfano's Cyrano de Bergerac. I came across the score by chance. And when I saw it, I had tears in my eyes, because I found it so incredibly beautiful, and I kept it with me for five years. Five years passed and nobody wanted to produce it. So I put it on myself. And you know that we are the only ones in the world to have sung the 1935 French version I created together with my brothers. Alfano had to change it in 1936 to an Italian version for José Luccioni in Rome. Then, when the work was given in France, it was translated back from the Italian version, while the original 1935 version was never produced. Today I’m delighted because Ricordi have published a new score in the "Alagna" version [laughs].
 
OL - Fantastic, you are making your mark in the history of opera, aren’t you?
 
RA - We researched all the Ricordi manuscripts and original documents, and my brothers and I worked using these as a basis. 
 
OL – At the age of seventeen, singing in Parisian cabarets, you met the Cuban bassist and singer Rafaël Ruiz. Ruiz was to become your first singing teacher. Did he also transmit to you some special love for Latin Jazz, for example? If yes, who do you like to listen to, in this genre?
 
RA - Yes, of course. You know, I spent some of the most beautiful moments of my life with Rafael Ruiz, because he was a great man from another era. Let’s not forget that he studied with Aureliano Pertile, Toscanini’s great tenor at La Scala, who was teaching at the time. Then he became a bassist, lived in several countries, and ended up in Paris as a bassist in the cabarets of that time. He was Cuban, and at his house I met some amazing people, such as Ray Barretto, Yuri Buenaventura, people who visited him bringing with them new rhythms. I was bathed in this music, rumba, since my childhood, because I was just fifteen when I started with him. 
 
He introduced me to the operatic aspect of my voice. I knew opera through my family, and it seemed something untouchable and sacred. When I started in cabaret, it was he who told me that I was a tenor, and with him that I found my voice. But at the time we were singing Cuban music, rancheras and so on, every night. I sang this repertoire for years, and I have to say that was also useful for opera, for developing musicality, but also for stamina, and for swing. Swing is very important. And if you listen to my crossover albums, you can hear it. Rafael Ruiz was a key element in my development and my artistic construction.
 
OL – Your new album, “My Life is an Opera,” was just released in France a few months ago. Can you give those of us on this side of the Atlantic a bit of a preview before it’s released here, and tell us about the arias and duets you recorded on this disc?
RA - It's been about ten years since I last recorded an opera studio album. By that I mean that all my operatic recordings of the last ten years have been videos of live performances or concerts. Over the last ten years I have only done crossover in studio. So this opera disc is a real return to studio recording, and it has not been easy. I had already recorded many recital discs and I already have a satisfactory discography. So I wondered what to do next. I told myself that nowadays I am sharing a new life, a new beginning, with Aleksandra [Kurzak]. It is as if one chapter has ended and a new one has begun. And so I felt the urge to chronicle the progress of my career through arias in the recital. It's as if I have done a retrospective of my life as an opera. There have been happy moments, drama, tragedy, comedy, there has been love, fairy tales, fables, success, failure, betrayal, all this in my life so far. All these elements make it a real opera. So I said to myself that if I do an album, it will include opera arias that illustrate the stages of my life. But then again it’s not that simple. I thought that the album purchasers might ask "why is he singing this again?" We had to find a way to tell what I had done and lived through without repeating ourselves, but rather with arias that were new to the public. That’s why when I sing Le Dernier Jour d’un Condamné I chose the Condemned woman’s aria, because I had never sung it, it’s quite new. Originally, these words were written for the condemned man, and we had adapted them for the condemned woman. So now it's a bit like returning to Hugo’s original text. As for Orfeo, I had already sung it in French, so now I chose to record it in Italian. It is a tribute to Pavarotti, and at the same time I can show that I too was Orpheus when I lost my first wife. I too have experienced the feeling that the ground has crumbled away under my feet; I too wanted to go in pursuit of her in the afterlife because I thought it was so unfair to die at twenty-nine, when she had just given birth to our child. Here’s another example: the recital opens with the aria "Manon mi tradisce" from Manon Lescaut. Actually, while I was preparing this role, I fell seriously ill, and never got to sing it. It is as if she had really betrayed me! Thus this album recounts key moments of my life and my career. Always with allusions, with images ... but you have to read between the lines!
 
OL – Great!
 
RA - And also there is also a funny allusion. In the album I sing a duet with my partner Aleksandra, and we chose Roberto Devereux. Why this particular work? Because on one hand for Aleksandra, it predicts the path her voice will soon be taking; and for me on the other, it's as though, thanks to this young woman who has made me a father again, I have been rejuvenated. That's why I'm singing a role with the same first name as me, a role that I sang as a young man, to show that I have a new lease of life. Do you see? So everything is more or less founded on this kind of rather charming imagery.
 
OL - You are now the daddy of little Malèna. She is adorable. Congratulations.
 
RA – Thank you.
 
OL - At at this point in your extremely busy international career, is it difficult to manage your daddy duties versus your singer duties, especially since your wife is also a singer? Is it viable for example to plan on having performances where you and Aleksandra are both singing so that the whole family can be together?
 
RA - Yes, it is very difficult, because I found it very hard when I was travelling and had to leave my first daughter Ornella with my parents. Even if I wanted to take her everywhere with me, her schooling made it impossible. I was always very sad, and I couldn’t enjoy the beauty around me because my thoughts were always focused on my daughter. Today she is twenty-three, she is beautiful, she is wonderful. So when she began to branch out, to have her own home, her friends, her own life, I began to open my eyes and suddenly I loved New York, I liked to travel, because my spirit was free. When Aleksandra and I planned to have a child, initially I was a little scared, because I was afraid to relive that. But today I am delighted, because it is a new youth, a new strength; it's beautiful to live though these moments. I would simply like to enjoy a little more of my family.
 
OL - I was recently talking to another singer who told me that "sometimes critics imply there are problems with your voice, and they don’t understand that there are lots of things, some tragic, going on in your life.”
 
RA - Yes, yes. That's right; it's not always easy to sing some evenings. It is a difficult job. But you know? I would say one thing ... Somehow, that it’s good they don’t understand that. Because I think that if the public or the critics knew the difficulty, knew the problems, the conditions we sing under, they would suffer as much as us, and that would be the end of this business. That's what an artist has to sacrifice.
 
OL – That’s true
 
RA - Last night I sang Carmen here, and I think that it was one of my best performances ever. It was my hundredth performance at the Met. I have never had such a reaction, from the director, the public, my partners, my friends. Everyone at the Met came to congratulate me and say "You sang amazingly, your voice was so fresh! “ It was one of those nights where everything goes well, everything sounds good, the high notes are great, it’s a success. You always perform at a certain level of course, but yesterday was one of those magical evenings. Because you know, as Caruso said, you are on top form twice a year, and usually you aren’t singing on either evening. [Laughs]. God gave me the strength to sing Carmen perhaps as I never sung it in my life, and I was very happy, everyone was delighted.
 
OL – I hope you'll be in the same shape on Monday when I come to hear you [laughs]. You must be the busiest singer in the world. Just in the 2012/2013 for example, you gave some forty performances and recitals, tackling 14 different works including 4 role-creations. How do you manage to do it? Is it important to get very organized? What about the voice? Do you have to put yourself through various constraints such as speaking little or avoiding sources of possible respiratory illness, to be able to keep going in this incredibly busy schedule?
 
RA - I've always been a workaholic, because it is not really a job for me. I love studying, I have always loved working on stage. Today I admit that I also want to enjoy my family. In recent years, I might have wanted to run away a little from a reality that did not suit me by taking refuge in the magical world of opera, in a fairy story. Today real life makes me very happy. I also find that I'm lucky to be in good physical shape. I have had three tumors in my life, and every time I got better. Each time I have got through it; God has been merciful with me. I like this job because I don’t see it as work, it's a state of mind, a way of life. I love it, I love to learn, I love discovering works, I love to sing, to give of myself to the audience, I love it all. Maybe the timid child that I was is living vicariously through this; I don’t know. I used to feel so, well, so commonplace, so uninteresting ... [laughs]
 
OL -It is a bit of a surprise to me, because I find you very interesting.
 
RA - Maybe, but I never found myself interesting, and I am surprised that people can be interested in me or my stories. It’s strange. For a long time I felt invisible. I was invisible, nobody noticed me. I really existed through the characters I played on stage, because there, my shyness disappears, and I become someone else. I think it is a shy child complex.
 
OL - That brings us to my last question. What is the person Roberto Alagna like, in terms of personality, take on life, hobbies, and favorite interests besides opera, classical music, and family / friends?
 
RA - I like human relationships. Human relationships are something that touch me enormously. I don’t need to talk much. For example, I have a childhood friend who is a gypsy, we've known each other since we were six, and we can spend days together without speaking, just being together. We don’t need to talk; there are signals, looks, things like that. I had the exact same kind of relationship with Luciano Pavarotti. We didn’t talk but we understood each other through looks, like Native Americans. [Laughs] My passions? Certainly reading - I have always read voraciously. I am a very wide reader who enjoys all sorts of subjects if I am interested in them. I can easily range from comedy to literature, to religion and so on. I also have a passion for musical instruments, for film, for the arts in general, painting, sculpture. I'm lucky because I have brothers who are painters and sculptors. Aside from the arts, I have no interest in cars, casinos, gaming, nothing of that kind. What interests me is psychology, the human condition, human behavior. For example in politics, I’m an observer. It’s not really what politicians say that interests me, but how they say it, how they influence people’s behavior. I love history too. I am also interested in religion, in all religions even though I am a Catholic - and in theology. My great-grandmother was a great storyteller, when I was a child, she told me Bible stories, as though they were films. And that is perhaps what made me love opera. She had a talent. So you see, I’m pretty eclectic, but what I love most is people, I love my fellow humans - that’s what interests me.

 



27/01/2018