À l’occasion de la parution de l’album Noël chez Decca, Roberto Alagna se confie à cœur ouvert sur sa vie de chanteur lyrique et les rencontres qui la jalonnent. Entre deux représentations de Tosca à l’Opéra de Vienne, le ténor au timbre radieux revient sur l’année 2015 marquée par sa présence dans trois productions à l’Opéra national de Paris. Il dévoile aussi ses projets et ses envies. Evénement.
La compilation Noël réunit des airs sacrés et des chants de Noël ainsi que deux versions live inédites de Notre Père et de Panis Angelicus, extraites du DVD bonus Mediterraneo. Lequel de ces airs se rattache à un souvenir important de votre vie ?
Le Notre Père que j’ai écrit à l’hôpital au moment où j’ai été opéré de ma tumeur au sinus. J’ai senti cette prière en moi et la mélodie m’est venue comme une sorte de remerciement. Le lendemain, je suis sorti de l’hôpital. Normalement, il fallait que je m’arrête de chanter pendant six semaines mais je suis parti enregistrer quelques phrases pour l’hymne international de la Coupe du monde de rugby. A la fin de l’enregistrement en studio, j’ai dit : « Excusez-moi, est-ce qu’on peut enregistrer quelque chose a capella ? », et j’ai enregistré ce Notre Père. C’est un souvenir vraiment important pour moi parce que c’est une sorte de miracle d’avoir pu continuer malgré ce que j’avais subi. Les cavités sinusiennes, c’est là où la voix résonne, où le son se crée et où il se développe. C’est une région très importante de l’instrument. J’ai créé l’ouvrage de mon frère Le dernier jour d’un condamné une semaine après, puis je suis parti à Orange pour faire Le Trouvère et ensuite Marius et Fanny à Marseille dans la foulée. Je ne me suis pas arrêté du tout. C’est un souvenir très fort pour moi ce Notre Père.
Ce Notre Père, vous l’avez chanté au Festival de Fès des Musiques sacrées du Monde en 2014 accompagné par The Khoury Project. Les accents orientalisants de cette version live incluse dans le CD et le DVD prennent une dimension particulière aujourd’hui. Avez-vous un message à faire passer à travers cette prière ?
Un message de paix, du vivre ensemble, de l’acceptation de l’autre, du pardon. C’est exactement ce que proclamait le Christ, c’est son message : « Aimez-vous les uns les autres ». Lorsque nous avons donné ce spectacle Mediterraneo dans le cadre du festival de musique sacrée de Fès, il comportait une partie de chants sacrés et aussi une partie plus joyeuse avec des chansons siciliennes et napolitaines et même des airs d’opéras. Ce qui était beau, c’était ce mélange de cultures avec un orchestre oriental. On a fait des arrangements avec ce Notre Père qui prend une dimension symbolique et aussi très forte de la communion entre les peuples. Universal a eu une très bonne idée en publiant ensemble ce DVD Mediterraneo et le disque de Noël. A la croisée des cultures et des influences, c'est un message de paix.
À l’occasion de la parution de l’album Noël chez Decca, Roberto Alagna se confie à cœur ouvert sur sa vie de chanteur lyrique et les rencontres qui la jalonnent. Entre deux représentations de Tosca à l’Opéra de Vienne, le ténor au timbre radieux revient sur l’année 2015 marquée par sa présence dans trois productions à l’Opéra national de Paris. Il dévoile aussi ses projets et ses envies. Evénement.
La compilation Noël réunit des airs sacrés et des chants de Noël ainsi que deux versions live inédites de Notre Père et de Panis Angelicus, extraites du DVD bonus Mediterraneo. Lequel de ces airs se rattache à un souvenir important de votre vie ?
Le Notre Père que j’ai écrit à l’hôpital au moment où j’ai été opéré de ma tumeur au sinus. J’ai senti cette prière en moi et la mélodie m’est venue comme une sorte de remerciement. Le lendemain, je suis sorti de l’hôpital. Normalement, il fallait que je m’arrête de chanter pendant six semaines mais je suis parti enregistrer quelques phrases pour l’hymne international de la Coupe du monde de rugby. A la fin de l’enregistrement en studio, j’ai dit : « Excusez-moi, est-ce qu’on peut enregistrer quelque chose a capella ? », et j’ai enregistré ce Notre Père. C’est un souvenir vraiment important pour moi parce que c’est une sorte de miracle d’avoir pu continuer malgré ce que j’avais subi. Les cavités sinusiennes, c’est là où la voix résonne, où le son se crée et où il se développe. C’est une région très importante de l’instrument. J’ai créé l’ouvrage de mon frère Le dernier jour d’un condamné une semaine après, puis je suis parti à Orange pour faire Le Trouvère et ensuite Marius et Fanny à Marseille dans la foulée. Je ne me suis pas arrêté du tout. C’est un souvenir très fort pour moi ce Notre Père.
Ce Notre Père, vous l’avez chanté au Festival de Fès des Musiques sacrées du Monde en 2014 accompagné par The Khoury Project. Les accents orientalisants de cette version live incluse dans le CD et le DVD prennent une dimension particulière aujourd’hui. Avez-vous un message à faire passer à travers cette prière ?
Un message de paix, du vivre ensemble, de l’acceptation de l’autre, du pardon. C’est exactement ce que proclamait le Christ, c’est son message : « Aimez-vous les uns les autres ». Lorsque nous avons donné ce spectacle Mediterraneo dans le cadre du festival de musique sacrée de Fès, il comportait une partie de chants sacrés et aussi une partie plus joyeuse avec des chansons siciliennes et napolitaines et même des airs d’opéras. Ce qui était beau, c’était ce mélange de cultures avec un orchestre oriental. On a fait des arrangements avec ce Notre Père qui prend une dimension symbolique et aussi très forte de la communion entre les peuples. Universal a eu une très bonne idée en publiant ensemble ce DVD Mediterraneo et le disque de Noël. A la croisée des cultures et des influences, c'est un message de paix.
Quand vous avez choisi le programme présenté à Fès, était-il important pour vous de présenter ces différentes cultures au public ?
la musique est un message universel et fraternel entre tous les peuples.
Nous musiciens, chanteurs, nous avons ça dans le sang: on aime le partage. Souvent les artistes aiment communier avec un autre instrument ou avec un autre chanteur d’une autre culture. Parce que la musique est un message universel et fraternel entre tous les peuples. Je crois d'ailleurs que c’est ce qui a fait le succès de Sicilien : cette musique et l'émotion qu'elle véhicule parlent à tout le monde, même si on ne comprend pas les paroles. Hier soir, je chantais Tosca à Vienne et après la représentation j’ai donné une séance de signatures. Un groupe de jeunes chinois m’a demandé des autographes et après, ils m’ont chanté des chansons de Sicilien ! La musique n’a pas de frontières.
Je n’en sais rien. En tout cas, elle peut nous faire oublier les moments de la vie réelle, nous faire réfléchir. On dit que la musique adoucit les mœurs. C’est un refuge. La musique m’a aidé toute ma vie dans les moments difficiles. Si elle pouvait aider aussi dans ce sens-là, ce serait formidable.
Vous avez joué les dernières représentations de L’Elixir d’amour dans le climat oppressant qui a suivi les attentats du 13 novembre. Était-ce perturbant de chanter et aussi une forme de défi pour que le spectacle vivant continue ?
Bien sûr que c’est perturbant. C’est un peu comme si le spectacle avait été terni. En temps de guerre, les théâtres faisaient recette parce que les gens avaient besoin de quelque chose de beau, de se distraire, d’oublier. Il faut continuer le spectacle pour pouvoir surmonter toutes ces épreuves. Les artistes ont tous leurs problèmes privés. Mais une fois sur scène, il faut les laisser au vestiaire et donner aux gens. A l'instar de Canio, dans l’air de Paillasse, qui sait qu’il a été trompé et qu’il va falloir jouer quand même. Le dilemme de l’artiste, c’est ça : être un homme et être un artiste; suis-je comme tout le monde et en même temps, faut-il que je sois là pour tout le monde ? L’artiste est à part, c’est un baume, un médicament contre tous les maux de la société.
Noël, c’est le partage, c’est revoir des membres de sa famille, surtout pour des gens issus de l’immigration comme moi. Aujourd’hui on voyage très facilement. A l’époque, on retrouvait à Noël des oncles et des tantes que l’on n’avait pas vus depuis des années. Ils rapportaient des mets et produits de Sicile. Cela nous faisait voyager et repartir là-bas. Ça me touche énormément. Chacun de nous a un Noël, mais le mien, c’est surtout le partage et les retrouvailles.
Comment allez-vous le fêter cette année avec votre petite Malèna qui aura bientôt deux ans ?
Cette année, je serai en tournée avec Aleksandra (Kurzak, son épouse, NDLR). Ensuite, nous allons tous partir en Pologne. Nous irons voir Aleksandra chanter dans Rigoletto à Varsovie avec mes parents, mes frères et sœurs, ma fille aînée, la petite et les parents d’Aleksandra. Puis, nous partons tous à Paris et nous fêterons le jour de l’an ensemble. C’est vraiment un Noël artistique en famille avec des voyages, des tournées, et la musique.
Réservez-vous pour Noël une surprise à votre public qui ne pourra pas être présent en Espagne ?
Nous allons faire un grand show « Roberto Alagna chante Noël » et je remercie France Télévisions qui me propose souvent ce genre d’émissions. Ce n’est pas si évident pour un chanteur classique. Il sera diffusé le 24 décembre et je serai entouré de chanteurs lyriques : Karine Deshayes, le baryton Armando Noguera et Aleksandra Kurzak bien sûr. Et puis de chanteurs pop : Nolwenn Leroy, Patrick Fiori, Adamo, entre autres. Il y aura des airs sacrés et des chants de Noël et encore une fois, le brassage des genres et des cultures musicales.
L’album Noël réédite de nombreux airs enregistrés il y a bientôt vingt ans avec Michel Plasson et l’Orchestre du Capitole. Depuis, vous avez construit avec ce chef un long parcours artistique d’une fidélité exemplaire comme en a témoigné votre dernière collaboration dans Le Cid en 2015 à l’Opéra de Paris. Comment s’est opérée cette alchimie entre lui et vous ?
Déjà, nous avons une affection réciproque. Aujourd’hui, Michel Plasson est plus qu’un ami, il fait partie de la famille. C’est quelqu’un avec qui j’ai vécu des moments magnifiques, magiques, heureux, mais aussi douloureux. Il a été là depuis le départ. Il a suivi toute ma carrière. Nous sommes unis par un lien plus qu’affectif, presque une filiation. Il essaie de m’inviter chaque année pour son académie et le problème c’est que j’ai toujours un planning très chargé. Je crois que nous pensons la musique de la même façon, la musique française notamment. Nous avons le même amour du théâtre, de la prosodie, du phrasé, du beau son, du beau chant, de la belle musique. C’est un chef avec une technique à l’ancienne. Il n’hésite pas à accompagner le chanteur, à l’anticiper, à être avec lui, à créer une vraie osmose entre les deux, entre le plateau, la scène et l’orchestre. Ce n’est pas quelqu’un qui possède juste la technique, il a aussi une culture opératique, c’est un bonheur énorme de faire de la musique avec lui et c’est pour cela que je l’aime.
Vous venez de résumer les qualités nécessaires pour qu’un chef d’orchestre travaille en harmonie avec un chanteur…
C’est une école. Aujourd’hui, les chefs d’orchestre de la jeune génération ont une très bonne technique parce qu’ils ont bien travaillé au Conservatoire et une connaissance de l’opéra moins développée que celle de chefs plus âgés. Pourquoi ? Parce qu’ils privilégient les instruments, donc ils s’intéressent davantage au symphonique et moins à la culture opératique. En réalité, je pense que c’est une carence. Souvent, ils ont l’impression que pour être chefs il faut imposer un tempo, le rythme, sinon, ils ont l’impression d’être au service du chanteur, et c’est une erreur. En fait, il faut une plus grande technique et savoir anticiper ce que va faire le chanteur, faire des rubati [c'est-à-dire des variations de vitesse, ndlr], chanter avec lui…
Des chefs comme Michel Plasson chantent chaque mot. Certains chefs de la nouvelle génération ne le font pas, ils se soucient seulement de l’orchestre. Parfois, ils ne savent même pas le texte, juste des mots par-ci, par-là. Les chefs qui savent tout le texte et qui sont capables de le chanter, ont la même respiration que le chanteur. Ils comprennent quand un soir le chanteur a un rythme cardiaque un peu plus lent et qu’il faut ralentir. Quand on court des marathons, on ne le fait jamais au même rythme, donc il est ridicule d’imposer un tempo aux chanteurs. On peut le mettre en difficulté comme ça. Il faut trouver le juste équilibre. Faire de la musique ensemble, c’est une harmonie, une osmose.
Ces jours-ci, vous avez retrouvé pour Tosca à l’Opéra de Vienne le chef d’orchestre Dan Ettinger avec lequel vous aviez travaillé dans Carmen il y a deux ans…
Hier soir, lors de la première, il a été formidable. A Vienne, on a fait une seule répétition, sans orchestre, et quand j’ai vu le résultat de la représentation, j'ai trouvé cela assez exceptionnel. Il a envie de bien faire, d'être avec le chanteur. Il est venu dans ma loge avant le spectacle et a redemandé à entendre mon air pour savoir exactement ce que je faisais. En l'occurrence, c’est aussi un très bon pianiste, donc il a l’habitude d’accompagner. Je crois que la première chose, c’est d’être à l’écoute du chanteur, de savoir comment il va respirer, de comprendre son tempo, sa façon de dire la prosodie.
Quels sont les chefs de la nouvelle génération avec lesquels vous avez du plaisir à travailler ?
J’ai un grand plaisir avec tous. Nous nous comprenons car j’ai toujours eu le goût et un certain sens de la direction. Il m'est même arrivé plusieurs fois de prendre la baguette pendant des répétitions : pour un passage, avec Claudio Abbado - qui n’est pas le dernier chef, ou encore avec James Conlon et dernièrement avec Enrique Mazzola. La direction d’orchestre m’a toujours intéressé. J’aime regarder les chefs, observer leurs gestes. La plupart du temps, j’ai un bon contact et je peux échanger avec eux, confronter nos avis sur la façon d'aborder certains passages. Je me souviens par exemple d’un passage difficile avec Claudio Abbado avec une entrée de chœurs, orchestre et chanteurs qui ne fonctionnait jamais. A un moment donné, je lui ai demandé : « Et pourquoi on ne le ferait pas comme ça ? ». Il m’a donné la baguette et ça a marché. L’orchestre m’a applaudi, c’était le Berliner Philharmoniker tout de même ! Abbado m’a dit : « Tu le fais à l’ancienne », j’ai répondu « Oui et ça marche ! » et il a conclu « Bravo ! » (rires).
Le travail d’un chef qui vous fait redécouvrir une œuvre peut-il être stimulant, notamment quand vous reprenez un rôle dont vous pourriez être lassé à force de le chanter ?
Bien sûr ! Ce qui est beau, c’est quand chacun apporte un élément nouveau. Quand Evelino Pidò m’a proposé d'interpréter la version de Una furtiva lagrima[dans l'Elixir d'Amour en novembre 2015 à Paris, ndlr] que Donizetti avait réécrite dix ans plus tard, j’étais intéressé. Lorsque Claudio Abbado me propose une ligne révisée par Verdi et qu’on ne chante jamais, je l’accepte parce que j’adore ça. Et j’aime même lorsqu'il est possible de partager nos visions personnelles, j'aime la discussion autour d’une œuvre. Ce fut le cas avec Myung-Whun Chung pour Otello, chacun présentait sa vision et ce fut un bel échange. Je le fais aussi avec les jeunes chefs. Chacun apporte sa vision et sa culture, non seulement opératique, mais aussi littéraire, et même son expérience de vie pour certains rôles.
Quand on parle d’un rôle de père, si on ne l’est pas soi même, on ne peut pas le sentir réellement.
Quand on parle d’un rôle de père, si on ne l’est pas soi même, on ne peut pas le sentir réellement. La mort de Mimi, c’est une chose de l'imaginer et une autre de l’avoir vécue en vrai comme cela m’est arrivé. Quand on partage ces sensations avec le personnage, on a un autre regard, une autre lecture, et de toute façon ce n’est jamais la même chose. Mon interprétation de Tosca hier soir à Vienne était plus fragile, plus sensible et plus douce que d'autres. Est-ce le fait d’avoir chanté juste avant L’Elixir d’amour ou les événements récents ? Je ne sais pas. Tout cela influe. Mon personnage était moins rebelle, moins virulent, moins exalté et beaucoup plus humain, presque plus jeune. C’était un autre Mario Caravadossi, plus clair et aérien, plus humble.
L’Opéra de Vienne vient de vous décerner le titre de Kammersänger. Avez-vous été sensible à cette reconnaissance ?
Plus qu'un prix, c'est une distinction qui récompense le mérite artistique, la fidélité à la scène et à un théâtre, la générosité d’un artiste envers son public. Il faut avoir donné un certain nombre de représentations pour pouvoir prétendre à ce titre. C’est plus le couronnement d’une carrière, et je suis très ému d’avoir reçu ce titre de Kammersänger.
Propos recueillis par Alice de Chirac le 3 décembre 2015
Roberto Alagna (2/2) : « Je vais faire Lohengrin et voir si cela m'ouvre des portes »
Dans cette seconde partie de notre entretien avec Roberto Alagna, l'artiste se confie sans détour sur ses trois productions à l'Opéra de Paris, ses projets et ses envies. Une plongée exceptionnelle dans la carrière de l'artiste !
En 2015, vous avez été très présent à l’Opéra national de Paris, dans Le Cid de Massenet qui vous a permis de chanter pour la première fois au Palais Garnier, puis dans Le Roi Arthus de Chausson et enfin dans L’Elixir d’amour à Bastille en novembre. Quel souvenir gardez-vous de ces productions ?
Je suis toujours heureux de chanter à Paris, c’est ma ville. Et je trouve même que c’est un petit peu injuste de faire mes débuts à Garnier après plus de trente ans de carrière, mais l’important était de le faire. J’ai été heureux des trois productions. Elles sont différentes. Ce sont des œuvres à l’opposé les unes des autres. L’Elixir d’amour représente un souvenir tout particulier pour moi : c’est dans la production londonienne reprise à Paris que j’ai rencontré Aleksandra [Kurzak, ndlr]. J’ai aussi appris qu’elle attendait notre enfant lors d’un Elixir qu’elle chantait. Presque tous les événements avec Aleksandra sont liés à L’Elixir d’amour ! Pour moi, cette "potion" fonctionne vraiment. Par ailleurs, je suis toujours heureux de retrouver à Paris les partenaires, les amis, l’orchestre, les gens du théâtre. Le futur me réserve une belle collaboration avec l’Opéra de Paris. Nous avons beaucoup de projets : Carmen en 2016/2017, une soirée de gala, deux représentations du Trouvère juste avant Lohengrin à Bayreuth, Otello et Samson et Dalila en 2018/2019.
Allez-vous vous investir dans le cycle Berlioz ?
J’aurais vraiment aimé faire le Benvenuto Cellini mais je n’étais pas libre à cette période. Ils m’ont aussi proposé Les Troyens et je n’étais pas libre non plus. C’est dommage parce que je l’ai déjà chanté et que cela aurait été formidable pour moi de le reprendre. Ils m’ont même proposé La Clémence de Titus, ce qui est une grande marque de confiance puisqu’ils envisagent des répertoires où l'on ne m’attend pas vraiment.
Le Roi Arthus a été l’occasion pour vous de travailler pour la première fois avec Philippe Jordan, le directeur musical de l’Opéra de Paris, qui avait insisté pour que vous soyez Lancelot dans cette production. Comment s’est passée cette rencontre artistique ?
C’était superbe. On a fait un bon travail. Nous avons souvent parlé de technique, notamment des tempi. C’est quelqu’un de très doué et ouvert. Je connaissais bien l’œuvre par la direction de son père Armin Jordan. On en parlait souvent. Il m'est même arrivé de le mettre en confrontation directe avec lui, c’était assez drôle. A un passage, je lui ai dit : « Philippe, pourquoi tu ne le ferais pas comme ça ? », il m’a répondu : « On ne peut pas le faire comme ça » mais j’ai objecté : « Pourtant ton père le faisait ! » et il a éclaté de rire. C’était vraiment une collaboration, y compris dans la prosodie. Celle-ci est marquée par un style particulier à Chausson consistant par exemple à ne pas prononcer les « e » muets. Philippe était de l'avis qu’il fallait les dire, je pensais le contraire. Nous avons choisi de ne pas les prononcer. A cette occasion nous avons eu un vrai échange. Il avait au départ une vision un peu wagnérienne qui a évolué et est devenue plus française, peut-être à mon contact, avec ma façon de déclamer. Pour lui, c’était une sorte de Tristan, et il a raison car beaucoup de moments sont repris et développés de duos de Tristan. Chanté par un chanteur wagnérien, on a en effet l’impression d’entendre un peu Wagner. Avec des chanteurs français, l'œuvre prend vraiment une couleur française, et se situe dans la continuité des Gounod, Massenet ou Lalo.
Avez-vous d’autres projets avec Philippe Jordan ?
Outre Les Troyens et Benvenuto Cellini, il souhaitait aussi que nous fassions Otello ensemble, mais c’était lui qui n’était pas libre à la période où moi je l’étais. C’est dommage, mais nous allons nous retrouver car on aime bien travailler ensemble. Il est venu me voir dans L’Elixir et on en a reparlé. Je l’admire. Il a beaucoup de talent. C’est quelqu’un qui a un charisme. En tant que chanteurs, il est aussi plaisant de le voir diriger. C’est très appréciable d’avoir un chef avec lequel on a un échange, un sourire, un regard. Il faut qu’il y ait cette relation de séduction entre l’artiste et le chef, que chacun séduise l’autre, sinon ça ne marche pas.
En septembre dernier vous avez amorcé une tournée « Shakespeare’s stars » construite autour des personnages d’Otello et de Romeo notamment. Avez-vous autant de plaisir à chanter en récital, sans décors ni narration , que dans un opéra mis en scène ?
Oui, c’est autre chose. Dans ce spectacle-là, il y a une sorte de plateau sur la scène et on joue vraiment, on improvise. C’est ce qui fait le charme de ce genre de tour de force : deux heures de spectacle sans entracte autour des deux œuvres. Mais j’adore aussi le récital "classique" où la voix prend toute la dimension, c’est-à-dire que le personnage passe à travers la voix seule. Quand on aime cet art, on l’aime sous toutes ses formes. C’est comme si on me disait : « Est-ce que tu préfères un CD, un DVD, le cinéma ou le théâtre ? » J’aime tout ! C’est d’avoir le choix qui est formidable.
En juin, vous avez donné à la Philharmonie de Paris un programme consacré aux grands airs et duos de l’opéra français au côté d’Irina Zhytynska. Avez-vous été ému de chanter pour la première fois dans cette salle parisienne ?
On est toujours ému de chanter dans une nouvelle salle. Pour nous, les salles d’opéra et de concert, ce sont des temples. Cet art est pour moi un art sacré. Je dis souvent que le chant, l’opéra, la musique, sont de l’ordre de la prière. La salle de la Philharmonie est magnifique. J’espère revenir y chanter. Nous y avons un projet de récital avec Aleksandra et nous envisageons aussi d'y chanter un opéra en version de concert.
Aleksandra Kurzak va-t-elle devenir votre partenaire de scène privilégiée ?
Non, ce que nous privilégions aujourd’hui avec Aleksandra, c’est d’être ensemble dans la même ville pour pouvoir être avec notre enfant et avoir une vie de famille. Aujourd’hui, ma carrière est faite. Je ne cours pas après les honneurs mais plutôt derrière une vie privée normale. Nous privilégions les théâtres qui sont proches de chez nous, ou bien nous chantons ensemble ou en alternance dans différents ouvrages. On peut le faire à Paris, à Vienne, à Londres, à New York, à Berlin. Ensuite, ce sont les directeurs qui choisissent. Comme Aleksandra évolue vers un répertoire davantage lyrique, nous allons avoir plus d’opportunités. Nous allons chanter ensemble dans Paillasse, Carmen, Otello, Turandot et La Juive.
On a le sentiment que l’avis d’Aleksandra est celui que vous privilégiez pour vos prochaines prises de rôle. Ainsi votre décision d’accepter Lohengrin à Bayreuth en 2018 semble reposer davantage sur ses encouragements que sur la persévérance de Christian Thielemann…
C’est vrai. Le festival m’a appelé trois fois, j’ai refusé trois fois. Thielemann m’a appelé aussi. Ils ont fait beaucoup de tentatives et à chaque fois je refusais parce que je ne ressentais pas le besoin de faire Lohengrin, je n’y avais jamais pensé. Cela fait des années qu’on me propose Wagner. J’ai toujours refusé parce que ce n’est pas mon monde. De plus, pour faire face à la charge de travail, je suis amené à privilégier les œuvres que je peux apprendre rapidement, et si elles sont en allemand j'y consacrerai naturellement plus de temps. Ce n’était pas quelque chose qui m’attirait, même le fait de chanter à Bayreuth.
Je n’ai jamais vraiment eu d’ambition. Tout ce qui m'est arrivé, on me l'a proposé
En fait, je suis plutôt timide et réservé. Je n’ai jamais vraiment eu d’ambition. Tout ce qui m’est arrivé, on me l’a proposé et j’ai dit « oui » ou « non » mais je n’ai jamais essayé de provoquer les choses ou de frapper aux portes. Donc, j’ai refusé plusieurs fois Lohengrin et à un moment Aleksandra m’a dit : « Fais-le ! Tu vas aller à Bayreuth, peu de Français l’ont fait. Moi, j’aimerais y aller au moins une fois t’écouter dans Lohengrin. Et puis, je vais t’aider avec l'allemand ! » Elle est le meilleur coach possible : elle parle couramment allemand, elle a chanté dans la troupe de l’Opéra de Hambourg pendant plusieurs années. Elle a aussi été premier violon pendant douze ans dans un orchestre en Pologne. C’est une musicienne. Pendant son adolescence, elle a aidé sa mère - qui est également chanteuse - à apprendre tous ses rôles, en l’accompagnant au piano. Elle a ce bagage, donc je serais bête de ne pas l’utiliser !
Sait-on si Anna Netrebko sera votre partenaire pour incarner Elsa dans Lohengrin ?
C’est ce qu’on m’avait dit au départ. Elle doit faire ce rôle auparavant à l’Opéra de Dresde donc je pense qu’elle va tester et en fonction de cette première expérience elle dira « oui » ou « non ». J’adore chanter avec Anna. Nous allons chanter Manon Lescaut et Le Trouvère ensemble et nous avons d’autres projets. On m’a proposé de chanter Adrienne Lecouvreur avec elle à Vienne prochainement et je ne suis pas libre car je chante au même moment dans Adrienne Lecouvreur ... mais à Monte-Carlo ! Mon rêve serait de découvrir une voix dans ce répertoire. J’aime être surpris par mes partenaires. Si Anna fait ce Lohengrin, je serai très heureux et si je suis surpris par quelqu’un d’autre, je le serai aussi.
Selon ce Lohengrin, vous déciderez-vous à incarner d’autres personnages wagnériens comme Tristan ?
J’avais déjà reçu des propositions de Daniele Gatti pour Les Maîtres Chanteurs et de Yannick Nézet-Séguin pour Lohengrin. On m’avait aussi proposé la version française de Tannhäuser, il y a plus de vingt ans à Monte-Carlo mais je l’avais refusée à l’époque car c’était trop tôt, puis de nouveau il y a trois ans, avec une tournée en Allemagne. Peut-être qu'il serait intéressant de faire ce Tannhäuser en français à Bayreuth. Je pense que cela n’a jamais été fait alors que c’est Wagner lui-même qui a réalisé cette version. En fait, comme Anna, je vais essayer de faire ce Lohengrin et nous verrons si cela m’ouvre les portes d'un nouveau répertoire. Tristan est une partition difficile à chanter à cause de sa longueur. Dans les duos, il y a des moments assez hauts avec des la héroïques. Il faut de l’endurance et là réside toute la difficulté de Tristan.
Comment allez-vous choisir vos rôles dans les années qui viennent ?
Je suis toujours assez ouvert aux propositions. Aujourd’hui, ce que je voudrais, c’est chanter le répertoire que je n’ai pas encore chanté et qui devrait être le mien : Fedora, La Fanciulla del West, Il Tabarro, La Force du destin, Luisa Miller (prévu à Monte-Carlo). On m’avait aussi proposé Mefistofele mais je n’étais pas libre.
Dans votre carrière, vous avez régulièrement participé à la redécouverte de raretés, ainsi en 2015 avec Le Roi Arthus et Vasco da Gama. Avez-vous envie de mettre encore en lumière des œuvres moins connues ?
Aujourd’hui, la vie des chanteurs est très difficile avec tous ces déplacements et cette course effrénée contre la montre.
Une œuvre que j’aime depuis longtemps et que j’aimerais faire un jour, c’est Néron de Rubinstein. Et puis, un compositeur contemporain, Patrick Burgan, a composé pour moi Enigma d’après la pièce Les Variations énigmatiques d’Eric-Emmanuel Schmitt que l’on essaie de monter dans un théâtre au Canada. Je dois chercher des disponibilités. C’est un projet formidable avec deux ténors. Le problème, c’est que Paris me demande aussi des dates et je n’en ai pas, pareil pour Vienne, New York et Londres. Pour que je vienne, on concentre les représentations sur une plage raccourcie, alors que je préfère rester un peu plus longtemps dans une ville. Par exemple, en ce moment, j’ai trois Tosca en une semaine avec une seule répétition puis je m’envole. C’est usant. Vous savez ce que je regrette ? L’époque où l'on chantait tout son répertoire dans un seul théâtre et où l’on rentrait chez soi le soir, retrouver sa famille. On finissait des représentations et on en reprenait d’autres avec des répétitions pendant deux à trois semaines. Aujourd’hui, la vie des chanteurs est très difficile avec tous ces déplacements et cette course effrénée contre la montre.
Maintenant que vous ne chanterez plus d’opéra à Orange et que vous y reviendrez seulement pour des récitals, votre chemin pourrait-il vous mener jusqu’à Salzbourg ?
Salzbourg me demande quasiment tous les étés. Ils m’ont proposé Tosca, Le Trouvère avec Daniele Gatti et Anna Netrebko. Je ne suis jamais libre, encore une fois, c’est ça le problème ! J’ai signé pour trois ans avec Bayreuth et en 2018 quand je terminerai mon premier Lohengrin je partirai tout de suite au Metropolitan Opera à New York pour l’ouverture avec Samson et Dalila.
Pourriez-vous décider vos prochains engagements par rapport à des metteurs en scène afin de renouveler l’interprétation de rôles que vous avez souvent abordés ?
Je ne demande jamais avec qui je chante ni quels sont les metteurs en scène… J’aime bien être surpris. Quand j’arrive, j’aime retrouver des amis ou des gens avec lesquels j’ai déjà travaillé mais j’aime aussi découvrir de nouvelles personnalités, de nouveaux tempéraments, de nouvelles visions des œuvres. C’est ça qui fait grandir, qui nous enrichit. Les œuvres sont tout le temps différentes. Moi-même, je n’interprète jamais de la même façon un même rôle. Je n’ai jamais eu un mauvais rapport avec quelqu’un. Quand il y a eu des problèmes, c’était plutôt de l’ordre privé que de l’ordre artistique. Généralement, les metteurs en scène se disent plutôt heureux de collaborer avec moi. Je suis un passionné, les gens le savent.
Sur quels critères repose la réussite d’une mise en scène ?
Il faut que le sentiment véhiculé entre les artistes soit moderne, c’est le principal. Ce n’est pas une question de décors ou de vision de l’œuvre. Je n’aime pas quand l’œuvre est dénaturée. On peut faire quelque chose avec un décor d’une autre époque, transposer, à partir du moment où l'on raconte l’histoire. Cela me dérange quand c’est trop abstrait, et que le public doit lui-même imaginer ce qui se passe. Quand on dit : « Prends ton épée » et qu’il n’y en a pas, cela me gêne. On peut changer, avoir une arme ou quelque chose qui symbolise l’épée mais j’aime avoir les accessoires, les costumes, les décors. Je suis aussi preneur des transpositions, comme mon frère l’a fait dans Orphée et Eurydice. Sa vision, comme chez Cocteau, était magnifique. Moi, j’aimerais bien faire une Aïda « Mad Max ». Cela ne me dérangerait pas parce qu’on est aussi dans un monde, un univers. Mad Max avait eu du succès parce que le film nous projetait dans un monde intemporel. Ce qui me dérange, c’est quand on a l’impression d’être dans la rue, en costume de ville et de ne pas le retirer pour monter sur scène. Alors, il faut vraiment un metteur en scène avec du génie qui arrive à nous transporter malgré cela.
L’opéra, c’est fait pour rêver.
L’opéra, c’est fait pour rêver. Après, il y a la question de la beauté esthétique des mises en scène. Par exemple, dans Le Roi Arthus, certains n’ont pas apprécié la mise en scène. En même temps, avec cette musique qui pouvait sembler très noire, j’ai trouvé que ce côté jardin donnait une sorte de fraîcheur, de lumière. Certes, je n’aurais pas détesté être un vrai chevalier en armure mais à la fin tout me plaît parce qu’on se lie d’amitié, on entre dans le monde du metteur en scène. Il défend son œuvre et on essaie de le faire avec lui.
Quels sont vos meilleurs souvenirs de mise en scène ?
Il y en a beaucoup mais déjà pour son personnage, je citerais le Cyrano de Bergerac d’Alfano mis en scène par mes frères. On est à la fois dans la tradition, on voit la pièce de Rostand, on respecte l’œuvre et en même temps c’est moderne. Tout est là ! Et puis, j’ai adoré l’Otello d’Orange que j’ai revu à la télévision. Je me suis aperçu que la mise en scène de Nadine Duffaut était formidable tant par la caractérisation des personnages que les tableaux magnifiques à voir, et la captation est superbe. Vous verrez, cet Otello, dans quelque temps, on en reparlera !
Jonas Kaufmann est venu assister à la dernière de L’Elixir d’amour. Avez-vous été touché qu’il vienne découvrir votre travail ?
Entre collègues, c'est une chose que nous faisons tout le temps. Je suis souvent allé écouter Jonas, la première fois dans La Rondine, puis dans La Traviata, Tosca, Carmen. Et lui est venu me voir dans Carmen et Madama Butterfly au Met. Nous nous connaissons depuis des années. On se retrouve dans les théâtres au Met ou à Vienne parce qu’on est là au même moment, ou bien à Paris dernièrement.
Vous verra-t-on un jour ensemble sur scène, à l’occasion d’un gala par exemple ?
J’avais proposé de faire Enigma avec Jonas. Je lui en avais parlé quand il était venu me voir à une répétition de Madama Butterfly au Met. Après, je l’ai proposé à Vittorio Grigolo qui a décliné. Ce sont des choix et puis aussi des histoires de calendriers.
Existe-t-il une fraternité artistique entre les chanteurs lyriques les plus demandés au monde ?
Il y a une fraternité entre tous les chanteurs, mais entre ténors, il y a encore autre chose, c’est presque mystique, comme une secte.
Il y a une fraternité entre tous les chanteurs, mais entre ténors, il y a encore autre chose, c’est presque mystique, comme une secte. Il y a quelque chose qui nous unit tous. Avec Bryan Hymel, c’est la même chose. On est en contact, aussi avec les enfants, sa femme, la mienne. C’est moi qui ai suggéré à Alain Lanceron de le prendre en ténor exclusif pour Warner. Et c’est comme ça avec beaucoup de chanteurs. On vient tous se saluer. On se suit. Hier soir, Martina Serafin a eu un accident au saut final de Tosca : elle s’est mal réceptionnée. Je suis resté avec elle jusqu’à la fin alors qu’elle me disait : « Roberto, vas-y, ce n’est pas grave ». C’est triste car nous avons fait un beau spectacle, nous étions contents, et maintenant elle se retrouve à l’hôpital. C’est une famille, les chanteurs d’opéras. On se retrouve dans les mêmes villes, on mange ensemble, on se connaît depuis longtemps, on est tous amis.
Avez-vous encore un rêve à réaliser ?
J’ai chanté toute ma vie, cela fait maintenant trente-deux ans, et j'avais déjà fait huit ans de cabaret avant. Aujourd’hui, je me dis : « Tiens ! Cela doit être sympa, demain je ne chante pas. » Mon rêve, c’est de prendre des vacances et de me dire que je n’ai pas besoin de faire attention à ma voix. D’être tranquille, de rire aux éclats et de jouer avec ma fille.
Ôlyrix s’adresse aux passionnés d’opéra mais aussi à ceux qui ont envie de découvrir cet univers. Quelle œuvre conseilleriez-vous pour débuter ?
Cela dépend aussi de la mise en scène. Si on veut se faire plaisir à coup sûr, je dirais L’Elixir d’amour de Donizetti dans la mise en scène de Laurent Pelly. On se régale. Je le sais parce que beaucoup de gens sont venus pour la première fois à l’opéra et pendant les dédicaces ils m’ont dit qu’ils avaient adoré et qu’ils reviendraient à l’opéra. La Bohème, La Traviata ou Rigoletto sont également des œuvres qui fonctionnent bien. Une jeune femme de mon entourage est venue pour la première fois à l’Opéra lors du Cid donné à Garnier et elle m’a dit : « Maintenant, je vais regarder tous les opéras » alors que ce n’est pourtant pas un ouvrage si facile d'accès. Cela dépend des interprètes, de l’humeur de la soirée. Quand nous avons donné Le dernier jour d’un condamné à Avignon, une œuvre difficile, moderne, que personne ne connaît, une école est venue assister au spectacle. Les jeunes sont venus me voir et étaient presque choqués d’avoir aimé un opéra. Je leur ai dit : « Vous savez, ce que vous avez écouté ce soir n’est pas un opéra facile, allez voir La Bohème ou La Traviata et vous allez adorer ». Ils ont aimé parce que c’était traité d’une certaine façon, sans entracte, il y avait le message de Victor Hugo et l’époque moderne. Je ne sais pas quelle est la vraie recette mais c’est l’instant qui doit être miraculeux.
Propos recueillis par Alice de Chirac le 3 décembre 2015
INTERVIEW Ôlyrix by Alice de Chirac |CHAPTER 1/2 |"An artist is a being apart, he is a balm, a medicine against all of society's ills."
"On the occasion of the release of his Christmas album by Decca, Roberto Alagna confides from the heart about his life as an opera singer and the encounters that marked its course. Between two performances of Tosca at the Wiener Staatsoper, the tenor with the bright and radiant tone looks back over the year 2015, marked by his appearance in three productions at the Paris Opera. He also reveals his plans and wishes."
EXCERPTS translated from French:
> The album 'Noël' ('Christmas') brings sacred arias and Christmas carols together, as well as two unreleased live versions of 'Notre père' ('Our Father' prayer) and "Panis Angelicus". "The 'Our Father' is a very strong memory for me. I wrote it when I was in hospital after having undergone surgery to remove a tumor in my sinus mucosae. I felt this prayer in me and the melody came to me as a kind of thanks. [...] In its oriental arrangement in Fez, it takes on a symbolic and very strong dimension: a witness to communion between peoples. Universal had a very good idea by publishing all together this Mediterraneo DVD and the Christmas album. At the crossroads of cultures and musical influences, it is a message of peace."
> Can music unite us in the face of the rise of religious radicalisms? "I do not know. In any case, it can make us forget the moments of real life, make us think. It is said that music soothes the mind. It is a sanctuary. Music helped me my entire life in difficult times. If it could help also in this sense, it would be great. [...] As artists, we must continue the show in order to overcome trials. An artist is a being apart, he is a balm, a medicine against all of society's ills."
> About Michel Plasson : "He is more than a friend, he is part of my family. With him, I lived wonderful moments, magical, happy, but also painful.. He was there from the very beginning. He followed my entire career. We are united by more than an affective connection, almost a filiation. [...]. I think we feel the music in the same way, especially French music. We have the same love of theater, prosody, phrasing, beautiful sound, beautiful song, beautiful music. He is a conductor with an old-style technique: he does never hesitate to accompany the singer, to anticipate, to be with him, to create a real osmosis between the two, between the stage and the orchestra. He is not just someone who owns the technique, he also has an operatic culture, it is an absolute pleasure making music with him and that's why I love him. "
> About conducting: "I have always been interested in Orchestra conduction. I love looking at the conductors, observing their gesture. Most of the time I have a good contact with them, and I enjoy sharing ideas with them, comparing our views on how to address some passages. [...] I appreciate when it is possible to share our personal views, I love discussing around a work. [...] For example, I did it with Myung-Whun Chung for Otello, each of us contributed his own vision and it was a beautiful exchange. I am doing it also with young conductors. Each brings his view and culture, not only his operatic culture but also his literary culture and so on, even his life experience for certain roles."
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INTERVIEW Ôlyrix by Alice de Chirac |CHAPTER 2/2 | "Opera is made to inspire dreams"
"In this second part of our interview with Roberto Alagna, the artist discusses forthrightly about his appearance in three productions at the Paris Opera, his plans and wishes. An exceptional diving into the career of the artist!"
EXCERPTS translated from French:
> About the Opera National de Paris: "I am always pleased to be reunited in Paris with partners, friends, musicians of the orchestra, people working in the Theatre. [...] The future holds for me a great collaboration with the ONP. We have many projects: Carmen in 2016/2017, a special gala evening, two performances of Il Trovatore just before Lohengrin at Bayreuth, Otello and Samson et Dalila in 2018/2019. I would really have enjoyed doing Benvenuto Cellini by Berlioz they offered to me but I was not available at that time. The ONP also proposed me to sing Les Troyens and I was not free either. It's a pity because I've already sung it and it would have been great for me to perform it again. They even offered me La Clemenza di Tito, which is a great sign of confidence as they are also considering a repertoire where I am not really expected."
> About the first collaboration with Philippe Jordan, and future projects together: "It was superb. We did a good job (in Le Roi Arthus by Chausson). We often talked about technique, tempi. He is a very talented and open-minded conductor. We had a real dialog. In addition to Les Troyens and Benvenuto Cellini, he also wanted us to do Otello together, but this time, he was not free when I was. It's too bad, but we will cross our paths again because we like working together. He came and saw me in Elixir and we spoke again. I admire him. He has a lot of talent. He is someone who has a charisma. As singers, it is also nice to see someone conducting. It's very valuable to have a conductor with whom we can interact, with a smile or a gaze. We need such an approach of mutual seducing between the artist and the maestro, each one seeking to attract the other, or it does not work."
> About the Philharmonie de Paris: "We're always excited to sing in a new hall. For us, the Opera and Concert halls are temples. This art is for me a sacred art. I often say that singing opera, playing music, is a matter of praying. The Philharmonie's auditorium is beautiful. I hope to sing again soon there. We have a recital project with Aleksandra and we also plan to sing an opera in a concert version."
> Asked whether Aleksandra Kurzak will become his favoured stage partner : "No, what we would lke to favor today with Aleksandra, it is to be together in the same city, so that we could stay with our child and have a family life. Today, my career is done. I do not chase after rewards but rather after a normal private life. We give priority to opera houses that are close to home, or we sing together or else we sing alternately in different works. We can do it in Paris, Vienna, London, New York, Berlin. Then the directors are choosing. As Aleksandra is evolving towards a more lyrical repertoire, we will have more and more opportunities. We will sing together in Pagliacci, Carmen, Otello, Turandot and La Juive."
> About other possible characters by Wagner after Lohengrin, Tristan for example: "I had already received proposals from Daniele Gatti for Les Maîtres Chanteurs and Yannick Nézet-Séguin for Lohengrin. They had also offered me the French version of Tannhäuser, more than twenty years ago in Monte Carlo but I refused at that time because it was too early for me and then again three years ago, with a tour in Germany. Perhaps it would be interesting to do this Tannhäuser in French in Bayreuth. I think this has never been done whereas Wagner himself created this version. In fact, I will try to do that Lohengrin and see if this will open doors in a new repertoire for me. Tristan is a difficult score to sing because of its length. In duets, there are moments in the rather top range with some heroic A. You need endurance and therein lies the difficulty of Tristan."
> About the forthcoming choices and the desire to help to rediscover rarities: "I am still quite open to proposals. Today, what I would like is to sing the repertoire that I have not yet sung and that should be mine: Fedora, La Fanciulla del West, Il Tabarro, La Force du Destin, Luisa Miller (expected in Monte Carlo). Mefistofele has been proposed to me but I was not free. A work that I love for a long time and that I would really like to sing one day is Nero Rubinstein. And then, a contemporary composer, Patrick Burgan, composed for me Enigma a work after the play Les variations énigmatiques by Eric-Emmanuel Schmitt. We are trying to stage it in Canada. I seek for availability in my schedule. It's a great project with two tenors. The problem is that Paris also asks for availabilities and I have not, just as well as Vienna, New York and London. In order to allow me to come, we are concentrating performances on a shortened period, while I prefer to stay a little longer in a city. For example, right now, I have three Tosca in a week with only one rehearsal then I'm flying away. It's tiring. You know what I miss? The days when singers can appear in one single theater for all their repertoire and were getting home each night, with their family. [...]. Today, the singers' life is very difficult with lots of traveling and this frantic race against time."
> About a successful staging: "It depends on the modernity of the feeling conveyed between the artists, it is the most important thing. It is not a question of scenery or vision of the work. I do not like when the work is distorted. You can do something with a set of a different time, you can transpose from the time when the story is told. Just it bothers me when the staging is too abstract, and when the audience itself has to imagine what happens. When we say: "Take your sword" and if there is none, it bothers me. One may change, having a weapon or something else that symbolizes the sword, but I like to have stage props, costumes, sets. I am also happy with the transpositions, as my brother did in Orpheus and Eurydice. Their vision, as in Cocteau, was beautiful. I would like to make Aida in a"Mad Max" style. This does not bother me because it is a own world, a true universe. Mad Max had been successful because through the film we step into a timeless world. [...] Opera is made to inspire dreams. [...]"
> Your best memories of staging: "There are already a lot, but for its main character, I would say Alfano's Cyrano de Bergerac staged by my brothers. We are both in the tradition and respect of the original play by Rostand, and at the same time it is modern. It's all there ! And I also love the Otello of Orange that I watched on television. I realized that Nadine Duffaut's staging was great both for the refine portrayal of the characters and the scenic tableaux - magnificient sight. And the video capture is gorgeous. You will see, this Otello, in a while, it will be a reference!"