CONCERT A GSTAADT
Programme
1ère Partie
Torna ai felici di (Le Villi)
Orgia chimera (Edgar)
La Bohème, scène de Musette - Piano
Tra voi belle (Manon Lecaut)
Donna non vidi (Manon Lescaut)
Manon Lescaut - Intermezzo - Piano
2ème Partie
Che gelida manina (La Bohème)
E lucevan le Stelle (Tosca)
Madama Butterfly - duet - Piano
Addio, fiorito asil (Butterfly)
ch'ella mi creda (La Fanciulla del West)
La Rondine, Nella dolce carezza - piano
Nessun Dorma (Turandot)
BIS
Orgia Chimera (Edgar)
Calendrier
Festival du Nouvel An à Gstaad
Dimanche 7 janvier 2024
Distribution
Roberto Alagna - Ténor
Morgane Fauchois-Prado - Piano
Revue de Presse
Res Musica - 10 janvier 2024 - Jacques Schmitt
Dans une église de Saanen comble, Roberto Alagna délivre un récital musicalement impeccable entièrement dédié à Giacomo Puccini.
A 60 ans, après 35 ans de carrière, le ténor Roberto Alagna affiche une forme éblouissante. Physiquement alerte, parfaitement cintré dans une veste de cuir brune aux revers de col noirs, pantalons noirs, la chemise blanche au col très légèrement ouvert, cravate noire, le chanteur a l'allure d'un jeune homme. Avec ce beau sourire aux lèvres, décontracté, Roberto Alagna reste ce personnage au charisme ravageur. S'adressant au public, il le prie de l'excuser d'avance pour ses éventuels manquements car, rentrant à peine des États-Unis, il redoute que les effets du décalage horaire lui jouent de mauvais tours.
Las, dès les premières notes de son Torna ai felici di tiré de l'opéra Le Villi, on se sent rassuré. La voix est là. Puissante, timbrée, juste si on relève l'extrême concentration du chanteur, comme pour vérifier par lui-même si toutes les touches de son instrument fonctionnent. Confiant, il enchaîne avec l'air d'Edgar Orgia, chimera dall'occhio vitreo de l'opéra éponyme. Durant son interprétation, soudain jaillit un son, une note, un accent qui, immédiatement touche l'auditeur au plus profond de son être, remuant son intime, faisant émerger bien malgré soi d'irrésistibles flux d'émotions. Ce sont ces instants-là qui font la différence entre un chanteur et un artiste. On dépasse là, la technique vocale, le savoir-faire, le métier. Ces moments ne sont l'apanage que des plus grands. Chaleureusement applaudi, Roberto Alagna n'est pourtant pas satisfait, il informe le public qu'il a oublié quelques paroles (dont à peu près personne ne s'est rendu compte) et qu'il va refaire l'air. Le pari d'avec le public est gagné. Quand bien même, ce petit moment de grâce de son premier jet ne s'est plus fait entendre, c'est un tonnerre d'applaudissement qui salue le sérieux de l'interprète.
Pendant que le ténor se repose derrière le piano, Morgane Fauchois offre un intermède pianistique avec la Scène de Musetta de La Bohème. L'occasion d'apprécier à sa juste valeur le superbe toucher de la pianiste française qui confirme son talent d'accompagnatrice tout au long du récital du ténor. Capable de pianissimo extrêmes, elle s'affirme en grande musicienne se fondant à l'écoute d'Alagna pour valoriser chaque instants du chant.
Par la suite, Roberto Alagna semble accuser quelques infimes fatigues et les airs de Manon Lescaut, en particulier le fameux Donna non vidi mai, le voit accusant un très léger voile qui, s'il ajoute un certain charme aux mots de la cantilène, laisse percevoir les limites du contrôle de son instrument vocal. Oh, ce ne sont que d'imperceptibles annonces mais, un auditeur attentif ne peut que craindre le couac. La tension ressentie est palpable. On a peur pour lui. Mais Roberto Alagna, en grand professionnel, en homme de courage, en artiste généreux, poursuit son récital sans faillir. Il ira même jusqu'à terminer son Che gelida manina de La Bohème sur un admirable pianissimo. Quand arrive le dernier air au programme, l'incontournable Nessun dorma de Turandot, avec un dernier Vincerò plus arraché qu'amené, on sent Roberto Alagna heureux d'en avoir terminé sans dommage. Avec son admirable accompagnatrice, ils saluent un public aux anges. Il donne encore quatre bis en terminant sa revue des opéras de Puccini avec un risqué Firenze è come un albero fiorito tiré de Gianni Schicchi avertissant le public que l'air (surtout son ultime contre-ut) n'est plus de son âge mais qu'il va l'essayer. Sans garantie, ajoute-t-il. Certes, cette dernière note n'était pas la plus belle qu'on puisse espérer mais avec élégance, et une entendue grimace, Roberto Alagna termine son récital avec un succès mérité.
Ôlyrix - 9 janvier2024 - Yves Callet-Molin
Roberto Alagna chante Puccini à Gstaad recouvert de neige
La petite église de Saanen accueille le ténor Roberto Alagna dans le cadre du Festival du Nouvel An de Gstaad, avec un répertoire consacré à Puccini en cette année commémorant le centenaire de sa mort.
Ovationné l’an dernier à pareille époque (notre compte-rendu), Roberto Alagna revient en ce Festival, tout juste rentré de New York.
La neige fraîchement tombée transfigure les forêts et montagnes avoisinantes. Sous la voûte en berceau brisé à cinq pans, vaisseau de bois surplombant la nef, le public bourdonne. Quelques mots de Caroline Murat, fondatrice et directrice artistique du Gstaad New Year Music Festival, introduisent les protagonistes et le programme puccinien. Coiffé de l’arc triomphal qui délimite l’intimité du chœur, Roberto Alagna se dresse dans la courbe du Steinway tenu par la pianiste Morgane Fauchois. Smoking, veste courte cintrée, couleur bronze doré et pantalon anthracite, il conserve une silhouette de jeune homme.
Avec Morgane Fauchois, c’est une amie parisienne qu’il retrouve – leur amitié date d’une rencontre à la sortie d’école de leurs enfants et de la découverte de leur domicile dans la même rue, à quelques centaines de mètres l’un de l’autre. Le programme du jour a donc été rodé à Paris avant le raccord de l’après-midi. Sans prétendre faire le tour des opéras composés par Giacomo Puccini, le programme parcourt huit d’entre eux. Depuis Le Villi et Edgar et avec plusieurs airs de Manon Lescaut, la première partie fait la démonstration des capacités techniques et vocales du chanteur. Les premiers airs font encore partie de l’échauffement vocal, avant que le ténor ne développe l’entier de sa voix et ses aigus éclatants, avec une présence scénique habitée de ses rôles. Alagna met définitivement le public sous son charme avec la seconde partie dédiée aux airs de ténor les plus fameux (Bohème, Tosca, Butterfly, Turandot). Durant le récital, quatre interventions pour piano seul permettent à Morgane Fauchois de mettre en évidence la richesse de son monde intérieur et la subtilité de son jeu.
Après 35 ans de carrière, Roberto Alagna impressionne toujours l’auditoire par sa longévité au plus haut niveau. À 60 ans assumés, sa voix conserve cette puissance de ténor claironnant, vaillant et glorieux. Yeux clos, calme et concentré, mains croisées sur un mouchoir, il chante ici l’amour avec une conviction touchante, la mélancolie ou la tristesse, l’ironie, la naissance de l’émoi et le désespoir (du des Grieux dans Manon Lescaut). La parfaite articulation rend intelligible chaque mot, l’aisance dans la conduite du souffle donne une impression de facilité. Quelques mots oubliés en route valent au public une remarque amusée d’Alagna et la reprise de l’air d’Edgar. Quelques pas sur scène avant d’attaquer à nouveau. L’ambiance détendue de la soirée est donnée. Le chanteur montre le plaisir qu’il ressent dans cette atmosphère chaleureuse. Loin des vastes salles d’opéra, la proximité du public donne à ce récital des allures de fête entre amis. Les grands airs
Abordant les airs fameux du répertoire puccinien, Roberto Alagna exprime avec emphase ici, finesse là, la dramaturgie des rôles qu’il incarne. Les grands airs s'enchaînent à d’autres. Il y exprime toute sa technique vocale, passe de la voix de poitrine à la voix de tête sans que ne se perçoive la transition. Ses finales flutées d’une extrême douceur, s’achevant a niente, emportent l’enthousiasme d’un public devenu ardent.
Un piano inspiré et des réminiscences cinématographiques
Les murs entièrement peints aux teintes fanées, le plafond de bois clair forment un écrin de douceur et d’intimité. Au clavier, dans les intervalles que lui accorde la partition, Morgane Fauchois exprime sa grande sensibilité, la légèreté de son toucher comme sa conviction. Respirant avec le chanteur, elle joue en osmose avec lui.
Dans la transcription de la scène de Musette tirée de La Bohème, la légèreté du doigté, l’articulation du phrasé, les suspensions rythmiques font vivre la musique. Pas d’excès de maniérisme ni de gesticulation : de la retenue dans l’expressivité. L’air bien connu appelle les réminiscences aux films de Charlot. Le final de l’Intermezzo tiré de Manon Lescaut, renvoie au beau film « Les Chariots de feu ». Exemples de l’apport essentiel de la musique classique au cinéma. La générosité de Roberto Alagna est bien connue, pour prolonger le plaisir de son public. En matière de bis, il annonce vouloir essayer de passer en revue tous les opéras de Puccini, ce à quoi il s’emploie avec quatre airs applaudis à tout rompre.
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